Tribune

Le piano (extrême) oriental, épisode 2

Carnet de route de Stéphane Tsapis au Japon


Le voyage au Japon continue. Nous arrivons à l’institut français de Tokyo où nous retrouvons Zeina Abirached, la dessinatrice du Piano Oriental, que nous avons adapté en spectacle, avec l’autrice en narratrice . La salle habituellement destinée au cinéma a un son très mat, avec un piano Yamaha quart de queue assez brillant. Ce sera enfin la première avec une traduction simultanée en langue japonaise !

C’est en répétant à Paris avec Maki Nakano que nous avions décidé de traduire en direct phrase par phrase, au fil de la narration. Elle interviendra aussi en jouant un peu de métallo-clarinette et en chantant la dernière chanson « Bektob esmak ya habibi » en remplacement de l’enregistrement de Fairouz habituellement utilisé. La salle, une jauge de cent places, est pleine. Nous retrouvons nos marques rapidement, ce qui annonce un moment assez magique d’autant que le public ne s’attendait pas du tout à entendre ce que nous jouons. Les passages du français au japonais sont fluides et ajoutent au mystère. L’accueil est très chaleureux, comme le prouve cette vidéo.

S’ensuivent quelques morceaux en duo avec Maki, puis un rappel en solo sur « Karaghiozis In Wonderland » suivi d’une séance de dédicaces et vente de disques, ainsi que le traditionnel échange de cartes de visite. Nous partons ensuite manger avec Camille et Sarah qui ont organisé le concert. Retour pour dormir dans une chambre de l’institut avec le fantôme Georges, le héros de la BD qui hante les couloirs ; la pluie n’a pas cessé de tomber depuis notre arrivée, en pleine saison des typhons…

Le lendemain, le temps est devenu très clair sur Tokyo. Les intempéries sont enfin parties vers le nord. Nous découvrons les environs de l’institut, un quartier très mignon avec ses petites maisons aux jardins fleuris. Après un peu de tourisme, nous nous rendons pour la balance au temple Shinto d’Akagi Jinja en milieu d’après-midi. La salle, en bois et assez sonore avec un piano quart de queue Yamaha quelque peu désaccordé, se situe au sous sol.

C’est une représentation importante ; journalistes, artistes et musiciens seront là pour nous écouter. La salle, 150 places assises, se remplit vite. Le vidéoprojecteur est prêt pour Le Piano Oriental, mais nous aurons du mal à retrouver nos marques ce soir-là. Le public nous paraît froid ; nous comprendrons ensuite qu’il était en fait très concentré. Pour la deuxième partie du concert, nous nous retrouvons en trio avec Yann Pittard et Maki Nakano. Retour au répertoire du début du séjour : le morceau arménien, le laridenn [1] mais aussi « Bint el shalabiya », une chanson immortalisée par Fairouz. Nous finissons par un traditionnel d’Asie mineure en 9/8. Aucune réaction durant le concert, mais nous vendons tout de même de nombreux disques et les louanges et remerciements sont nombreux !

Demain direction Hokkaido pour aller jouer à Yoichi, ville mondialement célèbre pour son whisky !
Le matin, lorsque nous partons pour notre balance dans un petit endroit nommé Yoichi’s Terrace, Maki nous explique qu’elle préfère organiser des concerts dans de petits endroits pour être plus proche du public, jouer acoustique et surtout partager de bons moments avec les gens. Nous jouerons aussi avec Tsuyochi, un jeune joueur de shamisen de 19 ans. Le shamisen est le cousin du sanchin ; il est plus grand et sa caisse de résonance est en peau de chien.

Le public du coin est assez âgé. Une équipe de télévision est venue filmer le concert en marge d’un documentaire sur ce jeune prodige. Ce soir là je prends beaucoup de plaisir à jouer dans cette ambiance conviviale, c’est notre dernier concert avec Yann qui repart pour une autre tournée.

En plus de notre répertoire habituel, Tsuyochi est invité sur un morceau traditionnel que nous avions entendu le matin même sur internet. Yann trouve un accompagnement atmosphérique avec ses pédales d’effets. J’essaye de me glisser comme je peux dans ce morceau que je connais mal. Le shamisen est très sonore et le jeune Tsuyochi chante merveilleusement bien ! nous nous retrouvons tout de même sur les refrains.

Nous finissons par un rappel d’ un morceau censé donner du courage aux pêcheurs pour tirer leurs filets, que je connaissais du répertoire de Ky. Tsuyochi et l’assistance chantent de manière entraînante. Après le rangement, les dédicaces et les photos, nous finissons la soirée tous ensemble dans un restaurant du yakitori du coin. Le sake de fin de soirée est joyeux mais pas forcément sérieux : nous partons tôt le lendemain pour la suite de la tournée sur Honshu.