Chronique

Lebocal

Bist du froh ?

Label / Distribution : Musea Parallèle

Né sur les rives tranquilles du lac d’Annecy, au cœur de la bouillonnante scène de la région Rhône-Alpes, le collectif Lebocal n’avait pas donné de ses nouvelles discographiques depuis plus de six ans. Durant cette période, qui a vu l’éclosion - ou plutôt l’explosion ! - de Guillaume Perret, membre fondateur de l’orchestre, et son Electric Epic, le groupe a sillonné l’Europe et principalement l’Allemagne où il a su se faire une belle renommée, notamment depuis un passage à la grand-messe des adorateurs de Zappa, le festival Zappanale en 2010. Car ses membres, depuis Oh No !… Just Another Frank Zappa Memorial Barbecue !, leur second album (2003), se sont fait une belle réputation de zappaïens obstinés qu’ils cultivent dans un joyeux brouillage de pistes.

C’est donc en allemand que le groupe revient aujourd’hui, dans une formule allégée - mais pas amoindrie - comptant quatorze musiciens et qui fait toujours une large part aux soufflants. Bist du Froh ?, demande le titre (les germanophones ou les utilisateurs de traducteurs automatiques comprendront « Êtes-vous heureux ? ») ; après écoute, la réponse est oui, et s’accompagne d’une furieuse envie de danser, notamment sur le leste « Disko Mobile », sorte de ritournelle technoïde écrite pour grand orchestre gavé d’électricité. La grande malléabilité de cette formation - une des grande qualité de nos Savoyards depuis toujours - se met ici à la disposition d’un répertoire pop, et si on peut, de prime abord, le trouver un peu formaté, on revient sur cette première impression dès que les cuivres s’emparent des grands espaces que permet le nombre même des instrumentistes (voir « White Clouds », belle composition atmosphérique du trompettiste Guillaume Lavallard).

Ego, précédent album du collectif, insufflait dans son jazz très contemporain des ruptures de métal pur, que l’on croit retrouver dans un « Oranien Straße » inaugural où la basse de Karim Maurice et la batterie de Thibaud Pontet soutiennent avec virulence le saxophone électrique acrimonieux de Guillaume Perret. Fausse piste, là encore, car ici, la clé de voûte est la voix ; on avait déjà entendu chanter le saxophoniste Ernie Odoom, avec ses faux airs d’Ike Willis [1] sur les albums précédents. Il est ici omniprésent et chaleureux, comme en trio avec Glenn Ferris (Ferris Wheel) en 2009. Sur « Mad Song », sans doute le morceau le plus intéressant de l’album, sa voix caresse l’électricité commune de Thierry Girault aux claviers et de Cyril Moulas à la guitare en accompagnant la lente montée en puissance d’un orchestre ample et généreux. Cet univers est si vaste qu’on ne risque pas d’y tourner en rond. Bist du Froh ? Ja, sehr glücklich !

par Franpi Barriaux // Publié le 4 février 2013
P.-S. :

Amaury Bach (as, fl), Diego Fano (as), Laurent Desbiolles (bs, voc), Guillaume Lavallard (tp, flh), Loïc Burdin (tp, flh), Daniel Verdesca (tp, flh), Vincent Camer (tb), Jérémie Creix (tb), Stéphane Monnet (tb), Thierry Giraud (cla), Karim Maurice (b), Cyril Moulas (g, voc), Guillaume Perret (electric Sax, fx), Thibaud Pontet (dms)

[1Ancien chanteur de Frank Zappa… décidément !