Chronique

Les Défrichés

Treize à table

Stéphane Arbon (dir, comp, arr), F. Thomas (tu), F. Gibert (tb, soubass), Fr. Arbon (bss), M. Barbier (tb), D. Audinet (tb), F. Pilandon (ts), C. Gibert (as), Y. Le Glaz (ss), N. Souchal (tp), D. Audinet (tp, fgl), J. Goudot (fl), S. Marty (dms)

Label / Distribution : Autoproduction

A l’écoute de Treize à table, premier album des Défrichés, la fanfare du collectif Musique en Friche qui fait vivre et anime le jazz et les musiques improvisées dans le Puy de Dôme et plus particulièrement autour de Clermont-Ferrand, on est d’abord envahi par un sentiment pas du tout désagréable de « déjà-entendu ». Péjoratif ? Non, car au fil des morceaux et de la cohésion de ce « dodécatet », on perçoit la volonté de faire danser sans pour autant perdre de vue l’improvisation, le raffinement des arrangements et la création collective.

Ils sont nombreux, les collectifs de jeunes musiciens installés en province, à défendre et populariser cette musique par la mutualisation des moyens et des idées et un souhait de véritable implantation territoriale. Cette démarche militante mêle liberté radicale et enracinement populaire, spectacle vivant et pédagogie, expérimentation et vœu d’aller vers un public plus large… Certains y verront un manque d’ambition, ou une volonté d’« entre-soi » que, de toute façon, leurs détracteurs eux-mêmes ne désirent pas remettre en cause. Voyons-y plutôt une implication, un militantisme qui au-delà du « Penser global, agir local » est une réponse directe et fructueuse à la difficulté, pour les jeunes, de se produire sur scène et de sortir des disques.

Au-delà de ces considérations contextuelles - qui influencent nécessairement la musique -, la fanfare dirigée par le contrebassiste Stéphane Arbon [1] propose une musique fine et joyeuse, pleine de rebondissements, et qui ménage de la place aux musiciens. Composés de onze soufflants et une batterie, Les Défrichés permettent à Arbon de jouer sur tous les ressorts de la fanfare classique à la rythmique appuyée, s’effaçant parfois devant une improvisation très verticale où les trombones Felix Gibert, David Audinet et Michel Barbier se montrent souvent en verve, tout comme François Arbon dont le saxophone basse est ici primordial.

Le « Jabulani » de Dollar Brand est certainement le point fort de l’album, qui montre à la fois l’attachement aux standards et un intérêt pour l’Afrique du sud [2]. Il témoigne aussi d’une volonté de transgresser les codes : de ce morceau que le pianiste voulait minimaliste, les Défrichés font un thème de marching-band entêtant que les solistes se plaisent à déconstruire peu à peu.

Treize à table est donc un album qui permet de découvrir un jeune collectif talentueux dont les membres, et leurs formations parallèles, [3] sont à suivre. On pourra regretter dans cette sélection un peu sage l’absence de ces traditionnels auvergnats dont ils émaillent leur concerts et qui les inscrivent réellement dans un terroir. Mais il reste de quoi passer un excellent moment et avoir envie de découvrir Les Défrichésdans la rue ou sur scène, leur biotope naturel.

par Franpi Barriaux // Publié le 21 septembre 2010

[1Qui dirige et compose uniquement ici, mais que l’on peut retrouver à la contrebasse avec, notamment, Bruno Tocanne ou dans les autres formations du collectif.

[2La fanfare reprend également « M.R.A » du saxophoniste Dudu Pukwana.

[3Parmi lesquelles le duo Audinet/Marty ou le sextet La Part Belle, composés de musiciens de la fanfare.