Chronique

Les mots et les sons

François J. Bonnet

Label / Distribution : Editions de l Eclat

« Ce que tente de dessiner l’“archipel sonore” intitulé Les mots et les sons, c’est une véritable pensée de l’écoute, telle qu’elle s’annonce déjà dans la structure pour ainsi dire graphique du son, c’est-à-dire dans son être-trace. », explique la préface de Peter Szendy. Que signifie : entendre ? Voilà la question à laquelle se propose de répondre François J. Bonnet.

Né en 1981, membre du Groupe de Recherches Musicales de l’Institut National de l’Audiovisuel, Bonnet est lui-même compositeur, et son livre hésite entre l’approche universitaire, la rêverie poétique et le manifeste d’artiste. Pour lui, il s’agit de porter un regard étranger sur le quotidien — le livre est introduit par l’écoute de la mer dans le coquillage, à partir de laquelle il va ensuite distinguer entre « son » et « audition », « trace » et « discours » — et d’étudier la représentation et le discours sur l’écoute. À l’aide d’un réseau de références littéraires et de recherche, il dresse une sorte d’état des lieux de la pensée sur le son. Cette cartographie littéraire du sonore accompagne une lecture par ailleurs aride, qui crée de la complication là où un exposé plus clair aurait été le bienvenu, même si l’on prend plaisir à relever ici et là des citations goûtues.

Grâce à des auteurs comme Foucault, Guattari ou Glissant, François J. Bonnet développe une pensée de l’archipel où le son est défini par sa précarité, son instabilité, son échappée permanente, la trace étant ce qui fait que ce son est audible, qu’il nous parvient. Pour cela, il définit plusieurs types d’écoutes : l’écoute « hallucinée », productrice et réceptrice d’un objet sensible, l’écoute « désirante » ou encore l’écoute « autoritaire », c’est-à-dire la capacité du son à faire autorité, à impressionner. Le son est également envisagé, entre autres, sous l’angle de sa plastique (avec Bill Viola ou Joseph Beuys), et de son envers : le silence. S’inscrivant dans une filiation philosophique exigeante, cet ouvrage s’adresse à des lecteurs déjà sensibles à ce type de réflexion, et se coupe malheureusement d’un public plus néophyte à cause d’une complexité de langage fastidieuse et parfois inutile.