Living By Lanterns

Sun Ra est une figure atypique du jazz, la mythologie prenant parfois le pas sur le musicien et compositeur. De jeunes musiciens américains, parmi les plus en vue du moment, se retrouvent ici pour perpétuer son héritage musical.

Living By Lanterns est né des heures d’écoute que Mike Reed et Jason Adasiewicz ont consacrées à des bandes inédites d’improvisation et d’interprétation de Sun Ra datant de 1961. S’en est suivi un long travail d’écriture et d’arrangement et la formation d’un groupe issu des scènes chicagoane et new-yorkaise, pour un projet rappelant celui, plus récent, de Thomas de Pourquery et son Supersonic.

La force de New Myth/Old Science, réside avant tout dans la qualité de l’écriture. Parfaitement agencées, bourrées de trouvailles passionnantes et ménageant une belle place aux improvisations et aux solos, toutes les pièces sont réussies. Au-delà des talents personnels, on sent un vrai son de groupe, une gestion magistrale des différents instruments et de leur apport à l’édifice, chacun sachant s’effacer pour assurer avec bonheur son rôle dans l’ensemble. Citons la passionnante orchestration de « 2000 West Erie », puissante et complexe tout en étant empreinte de swing, de groove et d’une grande fluidité. On sent que Reed et Adasiewicz se sont complètement immergés dans l’œuvre de Sun Ra pour livrer ensuite leur propre vision de sa musique, portés par ce qu’est devenu le jazz en ce début de XXIe siècle.

Tous les musiciens ici présents méritent d’être loués : Mary Halvorson, comme toujours formidable d’inventivité (son solo sur « Think Tank » est jouissif), Taylor Ho Bynum, décidément un des trompettistes/cornettistes les plus originaux de la scène actuelle, Ingrid Laubrock et son ténor puissant, ou Jason Adasiewicz, dont le vibraphone est la pierre angulaire du groupe. Le tout propulsé par une machine rythmique à toute épreuve : Mike Reed et Tomas Fujiwara aux batteries et Joshua Abrams à la contrebasse (écoutez son solo sur « Grow Lights » !). Enfin, Greg Ward au saxophone alto et Tomeka Reid au violoncelle apportent leur pierre à ce travail remarquable de fraîcheur et d’intelligence, qui donne parfois envie de danser, et procure toujours beaucoup de plaisir.

Comme l’expliquait Mike Reed « Après avoir constitué le groupe, la première étape du processus a été d’abandonner totalement l’idée de commenter ou d’honorer Sun Ra. Le plus intéressant était de créer une nouvelle musique en utilisant un matériau non finalisé, non voulu, et abandonné par son auteur. » Pari réussi ! On espère que le groupe se retrouvera pour d’autres aventures, avec ou sans figure tutélaire. Un disque riche, excitant, à la fois mystérieux et direct.