Chronique

Loustalot/Chesnel/Paganotti

Pièces en forme de flocons

Yoann Loustalot (tp, bugle), François Chesnel (p), Antoine Paganotti (dm)

Label / Distribution : Bruit Chic

Les flocons - à l’image des cristaux eux-mêmes - doivent pouvoir prendre de multiples formes. Car l’immédiate beauté des pièces qui figurent sur ce disque peut cacher longtemps l’extrême diversité des climats qu’elles incarnent. Et si la phrase initiale de « Chemin céleste », en descente lente et légère, joue à mimer en effet quelque chute de neige, dès « Barrage » on est plongé dans un univers contrasté où les accords du piano renvoient à une ligne mélodique qui pourrait rappeler le meilleur Jacques Thollot, soit une danse un rien obsédante. Le morceau éponyme (ou presque, il y manque juste la marque du pluriel) revient à un dire lyrique, et c’est ce qui fait l’un des traits de cette session, cette constance dans le chant, un chant qui ne se déploie pas toujours avec éclat, mais reste souvent dans le mi-dire, comme le fait toute vérité.

Brève pause dans le parcours, « Towers » s’achève sur une question qui reste en suspens. « Petite liturgie » commence sur des accords qui pourraient en évoquer une grande avant de s’orienter vers une sorte de valse sérieuse. « Doloroso » revient en fait à la danse, et « Peace, Peace » à une sorte de sérénité qui n’aura été troublée que par instants, tant la musique prend le pas tout au long sur l’affect.

Ces commentaires linéaires maladroits - on est toujours un peu stupide devant la beauté - ne doivent pas cacher l’incontestable réussite, non seulement de cette session, mais de cette formation en triangle dont il faut dire qu’il est équilatéral, c’est-à-dire parfait en son genre de quelque côté qu’on se tourne. Personne ne dépasse. Mais c’est aussi que chacun est à son sommet. Une géométrie poétique de cette dimension ne se trouve pas tous les jours. Et, pour couronner le tout d’un trait, la graphie de la pochette est signée de Vincent Marco. Et elle joue sur l’idée d’un flocon-libellule, tout à fait à propos.