Scènes

MO’drums à Antony

Le trio de Siegfried Mandon clôture « Place au jazz ».


Pour sa cinquième édition, « Place au jazz » programmait la formation Volaj d’Antony Jazz, Yaron Herman, le Tran’s arts de Pee Bee, le quartet d’Aldo Romano [1] et MO’drums.

Heureuse coïncidence : le concert de MO’drums sonne comme un hommage à Paul Arma, décédé il y a douze ans, le 28 novembre 1987. Le compositeur [2] peut être d’autant plus satisfait que l’auditorium du Conservatoire d’Antony qui porte son nom est une très belle salle et que, malgré le temps et le match de rugby, le public s’est déplacé nombreux pour venir écouter le concert de clôture du festival.

MO’drums est le nom sous lequel le batteur Siegfried Mandon regroupe l’ensemble de ses propositions musicales. En 2007, pour son premier disque, le trio se composait de Barend Middehlhoff au ténor et de Rémi Vignolo à la contrebasse. Deux ans après Mandon publiait Plays Rock’n Heavy Hits, toujours en trio, mais avec Patrick Cabon au piano et Gildas Boclé à la contrebasse. C’est ce dernier trio qui se produit dans le cadre de « Place au jazz ». Il joue le répertoire du disque, tiré des groupes de hard rock, heavy metal et pop rock des années 80/90, auquel il ajoute quelques morceaux de The Police. Comme dit Mandon : « C’est moi qui suis responsable de la branche dure de cet orchestre… Patrick, lui, s’occupe plutôt de la branche pop-rock… et Gildas nous subit avec l’élégance qui est la sienne ! »

Le concert commence sur les chapeaux de roue avec « Hot For Teacher » de Van Halen, suivi d’un « Seven Days » (Sting) musclé avec introduction puissante de Mandon. Dès « Enter Sandman » (Metallica) le trio trouve son équilibre. MO’drums évite l’écueil consistant à « jazzifier » des tubes : il utilise le matériel thématique pour développer une musique à la fois dynamique et dansante tout en conservant les subtilités propres au jazz ; les trois musiciens jouent avec les changements de rythmes (« Wherever I May Roam », issu duBlack Album de Metallica), passent d’une ambiance lourde à un hard bop galopant, se renvoient la balle sur les mélodies (« Synchronicity » de The Police), improvisent sur les tubes (le pot pourri final sur des succès de The Police [3])…

La sonorité grave, presque sourde (introduction de « Enter Sandman »), de Boclé est au diapason du répertoire et, à l’archet, sa contrebasse apporte une touche de mystère (« New Year’s Day », de U2). Sa précision, l’élégance de ses lignes et sa science du swing (walking dans « I Still Haven’t Found… » de U2) mettent en valeur les phrases du piano et de la contrebasse. Cabon joue dans une veine bop avec une main droite particulièrement agile, comme le confirme le solo qui introduit « I Still Haven’t Found… ». Démonstration qui mêle joyeusement stride, blues, bop… Le pianiste est visiblement inspiré par les mélodies (« New Year’s Day »). Il se laisse également aller à quelques ostinatos hypnotiques à la Jarrett (« Bring On The Night »). Quant à Mandon, il possède une palette rythmique extrêmement variée : de l’énergie rock au chabada bop (« Wherever I May Roam ») en passant par le binaire marqué (« I Still Haven’t Found »), des balais légers (« New Year’s Day ») aux trouvailles mélodiques (« Seven Days »)… il démontre, à l’instar de bien des gauchers, une indépendance des membres qui lui permet de jongler avec la polyrythmie (« Medley Around The Police »).

par Bob Hatteau // Publié le 4 octobre 2009

[1Géraldine Laurent (as), Mauro Negri (cl), Henri Texier (b) et Romano (d)

[2Pour compléter la coïncidence : à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Arma a mené des analyses musicologiques approfondies sur les Negro Spirituals…

[3« Walking On The Moon », « Bring On The Night » et « Message In The Bottle », trois morceaux tirés de Regatta de Blanc, album phare de The Police, sorti en 1979).