Chronique

Maison Klaus

Moods

Klaus Blasquiz (voc, perc), Benoît Widemann (kb), Gilles Erhart (p, Rhodes, org), Denis Leloup (tb), Laurent Cokelaere (elb), Eric Lafont (dms, voc) + Jean-Michel Kajdan (g), Francis Arnaud (dms), Alex Tassel (tp).

Label / Distribution : Bonsai Music

On n’épiloguera pas sur le nom du groupe et son jeu de mots taquin. Car pour manier ce genre d’humour, on n’en est pas moins de sérieux clients au service du rhythm’n’blues et du funk. Ainsi pourrait-on qualifier le groupe Maison Klaus, enfant putatif du défunt Grand Blues Band (1989-1995) où ferraillaient déjà quelques-uns de ses membres actuels. Tel Laurent Cokelaere, bassiste émérite connu entre autres faits d’armes pour sa participation à l’excellent Sidji Moon, ainsi que Klaus Blasquiz, voix emblématique et terrifiante de la première décennie de Magma, la plus prolifique. Maison Klaus est né voici une vingtaine d’années : en 1996, Gilles Erhart (claviers) et Éric Lafont (batterie) étaient déjà de la partie et figuraient au générique d’un album live paru en 2000. Le groupe prendra par la suite l’habitude d’inviter une fois par mois au Duc des Lombards des musiciens d’horizons divers : parmi ceux-ci, Denis Leloup (trombone) et Benoît Widemann (claviers), lui-même ancien musicien de Magma, qui en sont aujourd’hui membres à part entière. Sans oublier le guitariste Jean-Michel Kajdan, parti voici quelque temps mais qu’on retrouve néanmoins sur un titre de Moods, le nouveau disque de cette bande de potes publié chez Bonsaï Music.

Disons-le sans attendre : les adorateurs de Magma seront sans doute un peu surpris à l’écoute de cette savoureuse proposition musicale qui s’adresse à un public beaucoup plus large que le seul cercle familial estampillé Zeuhl : car à l’exception d’un rappel fugace en forme de clin d’œil d’un vieux thème de Christian Vander (« Gamma ») sur « Booya Booya », les influences kobaïennes sont minimes et lointaines. Ici, il est question, comme le disait autrefois Klaus Blaquiz, « d’une invitation à la danse entre note bleue et groove ». Un beau programme décliné en compositions originales et en reprises, dont « Come Together » des Beatles, « Mercy Mercy Mercy » de Joe Zawinul et « Freedom Jazz Dance » d’Eddie Harris. Cokelaere et Lafont se connaissant sur le bout des doigts, on peut compter sur eux pour fournir une assise tout en jubilation et félinité. Cette propulsion sans faille sert, comme on l’imagine, de rampe de lancement aux autres musiciens, parmi lesquels on a envie de mentionner – sans pour autant oublier le travail impeccable, tant mélodique que rythmique, fourni par Leloup et Erhart – le minimoog de Benoît Widemann, qu’on est vraiment heureux d’entendre en si grande forme. Ce dernier est l’un des plus passionnants spécialistes d’un instrument qu’il sait faire chanter comme personne. Avec lui, l’électronique est chaude et joyeuse, chacune de ses interventions est l’occasion d’une échappée belle. Un vrai plaisir : écoutez son intervention sur « La Bella Donna », par exemple, un modèle du genre !

Et puis, que serait Maison Klaus sans Blasquiz ? Cette formation, qui se présente volontiers comme « le seul groupe instrumental avec chanteur », vit de magnifiques instants par sa voix sans réel équivalent. On connaît depuis bientôt 50 ans son registre d’une étonnante étendue, celui qui avait illuminé les grandes trilogies magmaïennes ; ici, c’est son élégance naturelle qui suscite respect et admiration. On a parfois l’impression que Blasquiz, refusant d’endosser le costume du crooner, ne force jamais son talent. Il est un (en)chanteur, le porte-parole d’une âme nourrie pour l’essentiel de blues. Mine de rien, ce grand monsieur, si bien entouré, vient nous rappeler avec beaucoup de maestria ce que signifie l’expression soul music. Dont Maison Klaus est synonyme, voilà qui ne fait aucun doute.