Chronique

Marc Copland

Zenith

Ralph Alessi (tp), Marc Copland (p), Drew Gress (b), Joey Baron (dms)

Label / Distribution : InnerVoiceJazz

Marc Copland à cette précieuse qualité de savoir cultiver un univers très personnel tout en veillant à ce qu’il reste perméable. L’entendre évoluer au sein d’un quartet constitué de musiciens proches (il côtoie notamment régulièrement Drew Gress et Joey Baron au sein du quartet de John Abercrombie, et le contrebassiste est un de ses accompagnateurs privilégiés) montre son aisance pour aménager des espaces à ses partenaires tout en conservant ses particularités plastiques.

Zenith, que le pianiste publie sur son propre label, représente une éclatante démonstration de ce savoir-jouer. Constitué de quatre compositions du pianiste, d’une reprise de Duke Ellington et d’une longue improvisation collective en trois parties, le disque a pour constante un dialogue aventureux et raffiné dont la sophistication n’estompe jamais l’esthétique minérale de Marc Copland. Au contraire, elle la révèle, notamment sur les tempos lents, comme « Sun At The Zenith », où la contrebasse de Drew Gress se greffe sur la main gauche du pianiste tandis que la trompette de Ralph Alessi se calque sur sa main droite, avant que chacun prenne ses libertés en improvisant sur les boucles hypnotiques chères au pianiste, et qui constituent également la base du très beau « Hurricane ». « Best Bet » représente un autre sommet de sensibilité. Le trompettiste s’y montre plus aérien que jamais, porté par les harmonies bleutées du pianiste et par une rythmique caressante au sein de laquelle Joey Baron s’illustre par un jeu discret mais en continuel renouvellement.

Si la ballade est un terrain privilégié du pianiste, il se montre tout aussi inspiré sur des titres aux dynamiques plus appuyées, comme le morceau « Waterfalls », sur lequel le quartet s’enfonce rapidement dans une vive interaction où brille le tandem Gress/Baron, avec un swing soutenu qui ne laisse d’autre choix au pianiste et au trompettiste que de jouer intensément.

L’appropriation du morceau « Mystery » de Duke Ellington est en outre représentative de la capacité des membres du groupe à bousculer les fondements de leur propre musique. De ce titre maintes fois repris par les musiciens de jazz, ils conservent le fond tout en redéfinissant ses atours. La rythmique y est bouillonnante, d’une étonnante modernité, tandis que la mélodie y est préservée puis déclinée, torturée, décortiquée dans l’improvisation pour en exploiter les possibles portes de sortie. C’est précisément cette habileté dans l’errance, dans l’inspection méticuleuse des possibles développement, qu’exploitent les musiciens durant la longue improvisation inspirée par un poème de Bill Zavatsky, « Air We’ve Never Breathed », un texte qui est lui-même un ode à la spontanéité du quartet. Dans ce contexte informel, la qualité de la circulation de la musique comme la beauté des idées proposées sont révélatrices du niveau de jeu de ce groupe, de l’écoute à l’ivresse, simplement.