Scènes

Marc Ducret Quintet

Compte rendu du nouveau projet de cet incontournable de la scène musicale française


Le Quintet de Marc Ducret au Duc des Lombards, le 29 septembre 2001. Compte rendu du nouveau projet de cet incontournable de la scène musicale française.

Marc Ducret (elg), Herb Robertson (tp), Michel Massault (tuba), Bruno Chevillon (cb), Eric Echampard (d).

Pendant cinq soirs de suite, au Duc des Lombards dont il est un des grands habitués, Marc Ducret a présenté son nouveau quintette. A son trio majuscule (avec Eric Echampard et Bruno Chevillon, une aventure magnifique) avec lequel il ne cesse de jouer depuis quatre ans, le guitariste a choisi d’adjoindre deux cuivres : le trompettiste Herb Robertson, avec qui il avait enregistré News from the front (1992), et Michel Massault, tubiste familier de l’orchestre de Laurent Dehors. Il s’agit d’un projet à part entière, les deux nouveaux venus ne sont pas là en invités. Donc de nouvelles compositions, une disposition de jeu marchant par paire (Massault/Chevillon, Ducret/Herbetson, Echampard faisant office de pivot) et un renouvellement certain dans l’écriture. On passe d’un blues pur jus, d’une marche à la Kurt Weill à une berceuse acidulée ; tout cela est assez surprenant au premier abord et bien entendu se doit d’être loué.

Comme nous n’en sommes qu’au deuxième jour de vie de ce groupe, il est amusant de voir Ducret trônant au milieu de ses compères, en élève appliqué de sa propre musique, le nez dans les partitions. Amusant ? Pas tant que ça en fait. Au fur et à mesure des morceaux une déception m’envahit. La musique est très écrite. On sait le désir de Ducret de ne pas faire de l’improvisation une nécessité. Simplement, tout semble justement figé dans l’écriture. Les improvisations tombent comme un cheveu sur la soupe, on les sent venir, tout devient assez prévisible. Ducret se serait-il pris à son propre piège ? Bien entendu, il faut que le temps fasse son effet et que les musiciens connaissent mieux la musique (il y eut d’ailleurs un certain nombre d’accrocs). Mais tout cela a l’air d’un puzzle éclaté - dû aux nombreux changements de climats à l’intérieur d’un même morceau - auquel j’ai du mal à trouver une quelconque unité. Il y a aussi des effets redondants dans l’écriture, malgré la nouveauté.

Et puis il y a un « certain malaise » sur scène, notamment quand l’excellent Massault fait ses facéties, mimant un jet de fleur sortant de son tuba. Personne ne sourcille chez les musiciens, et seulement quelques rires discrets se font entendre dans la salle. Comme cela se serait passé autrement avec Tous Dehors ! Herb Robertson lui pratique un « humour » hérité de la musique contemporaine (effets de voix et de souffle dans sa trompette), c’est-à-dire pas franchement jubilatoire et direct, et qui colle mieux avec la nouvelle musique de Ducret. Dommage, le mariage des styles et des personnalités n’a pas vraiment lieu. Herb Robertson toujours, m’a d’ailleurs paru peu inspiré, beaucoup de notes, pas de musique…

Serais-je complètement passé à côté du concert ? Il est vrai que je suis très attaché au trio, peut-être ai-je attendu inconsciemment une sorte de trio bis, alors que la musique du quintette en est assez éloignée. A revoir, mais ce nouveau groupe me laisse quelque peu dubitatif.

A la fin du troisième set, Massault et Robertson s’éclipsent. Le trio joue Dialectes. Exit les partitions, les accrochages, place à une performance hors du commun. On mesure toute la distance qu’il y a entre les deux projets. Le trio serait-il le sommet de la musique de Ducret ? Quoi qu’il en soit, les trois musiciens se lâchent pour un quart d’heure d’intensité foudroyante, sans fioritures. Un spectateur visiblement en transe, vient même se faire titiller les joues par le jack de la guitare, que Ducret martyrise, frotte contre le pupitre. Sur des graves caverneux « chevillonesques », le morceau s’achève. Rideau et chapeau bas.