Marcelo dos Reis / Angélica V. Salvi

Tout d’abord, je tiens, dans ces lignes, à remercier publiquement Evan Parker sans qui cet album n’aurait pas vu le jour. En effet, le saxophoniste britannique est l’instigateur du projet de duo entre le guitariste Marcelo dos Reis et la harpiste Angélica V. Salvi. C’est Parker qui a suggéré, un beau jour de l’été 2012, aux deux musiciens ibériques de confronter leurs instruments dans la formule ô combien casse-gueule du duo. Bien lui en a pris puisque Marcelo et Angélica nous livrent aujourd’hui ce disque sublime. L’album est un témoignage de ce que peut être l’improvisation en musique : un lâcher prise, une mise à nu totale, tant les deux musiciens semblent avoir défait les liens qui les raccordaient au monde réel. La musique se laisse peu à peu apprivoiser, le disque se bonifie avec les écoutes. Il peut se découper en deux parties bien distinctes : les quatre premiers morceaux relèvent d’une veine plutôt mélodique tandis que les quatre suivants s’ancrent dans une tradition de jeu plus contemporaine, plus bruitiste, plus instinctive.
Les tempi sont le plus souvent assez lents. Les musiciens se frôlent, se cherchent, se perdent. Les cordes s’emmêlent, on a parfois du mal à distinguer la guitare de la harpe. Les morceaux sont, pour la plupart, construits sur de longs crescendos dans lesquels l’auditeur est happé comme dans une transe. Le tout est brut, abstrait, parfois sec. On a ici à l’œuvre une certaine idée de la beauté, âpre et lyrique à la fois.