Depuis quelques années, Mark Alban Lotz s’impose comme étant un des flûtistes improvisateurs les plus en vue d’Europe. Né en Allemagne, il a connu une enfance de globe-trotter l’a amené à s’intéresser à toutes sortes d’expressions - les usages traditionnels de la flûte à travers le monde, bien sûr, mais aussi les musiques électroniques. Il en a ainsi retraduit tous les langages dans ses différentes formations, de Lotz Of Music à ses récentes rencontres avec le quartet turc Islak Köpek. Dans Solo Flutes, il décline l’instrument dans tous registres, du piccolo à l’énorme contrebasse ou aux tuyaux de PVC, qu’il sait faire vibrer au-delà des tâches rythmiques - en témoigne le saisissant « PVC Mantra » qu’on dirait échappé d’un temple tibétain.
C’est cependant la flûte basse que ce premier album solo met à l’honneur dans six Sequenzas directement inspiré du travail de Luciano Berio sur les limites de l’instrument, parfois jusqu’à l’excès (« Do Not Swallow »). Du growl théâtral (« Adam and Eva ») au simple souffle (« Inside »), le flûtiste égraine les techniques, mais la virtuosité ne prend jamais le pas sur le propos, très personnel. Lotz mêle les traditions, de l’Asie aux Balkans (« A Fine Winter » où l’on retrouve fugacement le timbre du ney), à un jazz plus classique (« Major Circles »), sans oublier une approche contemporaine à laquelle il revient toujours (« Whisper Alap »). Chaque pièce construit l’album par petites touches instantanées, parfois très courtes, comme un gigantesque puzzle révélant un autoportrait.
Enregistré en quelques jours en prise directe, dépourvue d’autres effets que l’éventuelle préparation de ses instruments et sans aucun overdubs, cet album permet au flûtiste de plonger avec humour au tréfonds de ses tuyaux, de faire corps avec eux et d’en dompter tous les états. C’est certainement avec le groove de « For Rahsaan », évidemment dédié à Roland Kirk, que Lotz rassemble toutes ses inspirations ; cela donne un morceau très abouti, synthèse de ses improvisations. Une belle découverte, qui comporte son lot d’étrangeté et de talent.