Chronique

Markus Lauterburg Mumur

Meer

Tobias Meier (as), Dave Gisler (g), Martin Birnstiel (cello), Markus Lauterburg (dms, perc)

Label / Distribution : Altrisuoni

Originaire de Lucerne, comme bon nombre de musiciens de la jeune scène suisse, le percussionniste Markus Lauterburg anime son Mumur depuis sept ans. Longtemps collaborateur de Pierre Favre au sein de l’European Chamber Ensemble et de l’octet The Drummer, on le croise fréquemment en duo avec le pianiste Hans-Peter Pfammatter. Meer, enregistré pour le label Altrisuoni, est le troisième album de cette formation, et le premier en quartet depuis que son bassiste a laissé le rôle de basse à cordes au seul violoncelliste Martin Birnstiel. Le propos en devient souvent pointilliste (« High Tide »), et cela sied très bien à ces pièces, majoritairement composées par Lauterburg. Celui-ci s’appuie beaucoup, pour ce disque, sur la polyvalence de l’instrumentation, capable de passer en un instant de la divagation improvisée très musicale et sensible (« Plankton »), à la rythmique marquée, influencée par un jazz-rock gainé de métal (« Dancer in The Shark »).

Le saxophoniste Tobias Meier, proche de Veto Records, chez qui il a proposé un album remarqué avec son power trio, Schnellertollermeier, est l’élément perturbateur du quartet. Les bulles montent au nez de « Sparkling Water » lorsque son alto souligne de ses cris grinçants le fracas de cristal soulevé par Lauterburg, l’ensemble se mêlant à l’électricité contondante du guitariste Dave Gisler, un autre des ses compatriotes aperçu récemment au sein du Pilgrim de Christoph Irniger. Gisler rapproche Mumur de l’univers du label de Christoph Erb, surtout quand les nappes de guitare extraient des profondeurs quelques trames angoissées.

Nul besoin d’être germanophone pour traduire le mot « Meer » ; Mumur puise en effet son inspiration dans les vastes étendues d’eau, et la restitue dans des morceaux courts - parfois pas plus d’une minute -, comme autant de sensations à peine esquissées (« Geysir »). La mer apparaît dans toutes ses dimensions, des bas-fonds aquatiques de « Kribbel Krabbel » aux horizons rêveurs de « Medusen ». Dans ce morceau en particulier, l’alto de Meier se fait caressant, sensible à chaque mouvement ténu de l’archet ou des cordes effleurées de la guitare. Meer confirme qu’il règne une belle émulation sur cette scène helvétique située au carrefour du rock et de la musique improvisée. Le parti-pris mélodiste de Lauterburg fait de ce groupe un des pans les plus accessibles de cette école. Meer est donc l’occasion rêvée de se jeter à l’eau.