Chronique

Martial Solal

Coming Yesterday - Live at Salle Gaveau 2019

Martial Solal, piano.

Label / Distribution : Challenge Records

Enregistré par Radio France en janvier 2019, ce concert exceptionnel est maintenant disponible en CD et vinyle grâce à Challenge Records.
Martial Solal n’en est pas à son premier concert solo sur disque et l’un des derniers, à Gütersloh, a laissé de très bonnes impressions.

Mais ce concert à Paris est probablement le dernier qu’il présentera.
Ce n’est pas moi qui le suppose, c’est le pianiste lui-même qui, dans les notes de pochette, indique s’arrêter. « Quand l’énergie n’est plus au rendez-vous, vaut mieux s’arrêter ». Sage décision de la part d’un musicien tout aussi sage, bien que facétieux, qui l’honore d’autant plus qu’on aurait aimé qu’elle s’applique à d’autres avant lui, en vain.

Les dix pistes qui figurent sur le CD sont dans la droite ligne de ce qu’on connaît de Martial Solal. Un mélange de standards (ellingtoniens souvent), des arrangements de mélodies populaires (« Happy Birthday », « Frère Jacques ») et quelques-unes de ses compositions. En l’occurrence, une seule : « Coming Yesterday », une longue introspection assez rythmique dans laquelle les deux mains se renvoient une balle, comme un jeu d’adresse et de rapidité. Il y a vraiment dans ce morceau un numéro d’équilibriste, comme un funambule courant maladroitement sur un fil, en apparence, juste pour nous faire peur.
Et puis, encore et toujours, les citations, les phrases qui vont et viennent d’ailleurs. Un jeu dont personne, ni lui ni nous, ne se lasse.
Une composition qui résume le disque et le concert, et peut-être même sa vie entière. Une sorte de schéma pour nous montrer les chemins qu’il a empruntés et ceux qu’il nous suggère de suivre. La mélodie, le rythme, le jeu comme composition, ne rien laisser à l’abandon.
Même sur « Tea For Two », comptine sucrée, il donne une profondeur harmonique et des atours de prélude monkien.
Avec « Lover Man », il revisite toute l’histoire du piano jazz, des styles et écoles. C’est une longue promenade dans un pays des merveilles, avec lapin pressé et chapeliers fous, qui transporte.
Il reste une partie du concert non édité sur ce disque et qui comprend quelques beautés comme « Round Midnight », « Caravan », « Body and Soul »… pour une prochaine édition sûrement ?