Chronique

Matteo Pastorino Quartet

V

Matteo Pastorino (bcl), Matthieu Roffé (p), Bertrand Béruard (b), Jean-Baptiste Pinet (dms)

Label / Distribution : Absilone

Jeune clarinettiste italien installé en France, Matteo Pastorino enregistre avec V un premier album sous son nom après diverses rencontres avec Nicolas Folmer ou Mauro Gargano, entre autres. V est un hommage à Vittorio, son frère, qui l’a poussé à faire carrière dans la musique. En témoigne le vibrant « A mio fratello » où le timbre caressant de la clarinette basse entoure avec tendresse le léger velours impressionniste du piano (Matthieu Roffé, qu’on a pu entendre en duo avec la flûtiste japonaise Yuriko Kimura). Pastorino s’entoure ici de Français croisés au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris, où il a eu comme professeur Emil Spanyi. Ces musiciens multiplient les collaborations, au sein du MTX quartet, par exemple. C’est sans doute ce qui explique la grande aisance du batteur Jean-Baptiste Pinet qui, avec le bassiste Bertrand Béruard, forme un axe soudé dont la puissance s’exprime sans excès.

Pastorino (et Roffé, qui signe trois morceaux) propose des climats pleins de nonchalants mystères, où la pénombre le dispute à de soudains éclairs portés par la batterie et le piano. « Bushido » est un condensé de l’album : s’y succèdent des accélérations rythmiques au sein desquelles la clarinette peut faire songer à l’élégance nerveuse de Joris Roelofs, et des moments plus chambristes, principalement lorsque les timbres se mélangent entre le souffle clair du clarinettiste et le remarquable jeu d’archet de Béruard. Ce dernier est incontestablement la découverte de V . Il s’impose par la simplicité et la rondeur de son jeu, qui illuminent l’intro de « Cobra » et cherche un gisement d’émotion dans les infra-basses afin de nourrir nourrir un propos par ailleurs très collectif.

C’est dans ces moments recueillis que le quartet, influencé par une formation classique résolument assumée par chacun, trouve sa meilleure dynamique. On la retrouve dans les prémices d’« Eleventh Floor » - même quand il se laisse envahir par une âpre rage, le piano n’abandonne jamais le liant de l’harmonie. Le V de Pastorino exprime à merveille, graphiquement parlant, la musique du quartet : une ligne épurée qui évoque le flux et le reflux et revendique une modernité sans rupture. Une musique qui a sans doute encore beaucoup à nous dire.