Chronique

Matthew Sheens

Cloud Appreciation Day

Matthew Sheens (p), Gian Slater (voc), Lauren Roth (voc), Aubrey Johnson (voc), Tomas Cruz (voc), David Lang (voc), Alex Goodman (g), Alex Boneham (b), John Patitucci (b), Tim Firth (dm), Kenneth Salters (dm)

Label / Distribution : QFTF

L’Australie n’a pas la réputation d’être une place forte du jazz mondial. Cela pourrait bien changer avec l’éclosion de Matthew Sheens, jeune et talentueux pianiste installé depuis 2011 à New York. Après deux albums convaincants [1] enregistrés en compagnie de musiciens de la scène downtown new-yorkaise [2], il sort aujourd’hui Cloud Appreciation Day. Le pianiste l’a enregistré avec des musiciens australiens pour une partie des titres ainsi qu’avec ses amis new-yorkais avec qui il a l’habitude de jouer (dont John Pattitucci himself).

Matthew Sheens aime mélanger les genres ; il s’inspire aussi bien des musiques du monde que du répertoire classique tout en vénérant quelques grands anciens du piano jazz (Herbie Hancock ou Erroll Garner par exemple). Son univers musical est riche et éclectique. Ses compositions très syncopées ainsi que les mélodies particulièrement séduisantes nous rappellent le trio Cohen/Maestro/Guiliana. Le son d’ensemble fait parfois penser à l’univers de Portico Quartet. Les longs et subtils développements atmosphériques se rapprochent des ambiances façonnées par le Pat Metheny Group avec Lyle Mays aux claviers, le son de la guitare d’Alex Goodman n’étant pas sans rappeler celui du maître. La relation quasi symbiotique entre Sheens et Goodman est d’ailleurs une des grandes réussites de l’album, tant leurs échanges autant que leurs unissons subliment la musique du groupe. Quant aux harmonies vocales présentes sur de nombreux morceaux, elles enrichissent et illuminent l’ensemble d’une douceur ouatée (comme sur le groovy « Cloud Appreciation Day » ou l’enlevé « A Midsummer Nightmare »).

Avec ce Cloud Appreciation Day, Matthew Sheens réalise un album sensible et généreux qui, sans révolutionner les codes du genre, s’écoute avec beaucoup de plaisir.

par Julien Aunos // Publié le 19 février 2017

[1L’un, Every Eight Seconds, sorti en 2012 ; l’autre, Untranslatable, sorti en 2014, tous deux chez ABC Music.

[2Dont la vocaliste portugaise Sara Serpa (une des voix du quartet vocal Mycale, fidèle de l’univers de John Zorn), Linda Oh (contrebassiste chez Dave Douglas) ou encore le percussionniste brésilien Rogerio Boccato (entendu chez Maria Schneider ou David Binney).