Chronique

Maxime Bender

Path Of Decision

Maxime Bender (ts, ss), Simon Seidl (p), Olivier Lutz (b), Silvio Morger (dms)

Label / Distribution : Laborie Jazz

Sur scène, la transformation du jeu de Maxime Bender lorsqu’il passe du ténor au soprano, ou l’inverse, retient l’attention. Au ténor, sa sonorité est ample, chaleureuse, puissante, très timbrée. Son phrasé est autoritaire, articulé avec assurance. Au soprano, son jeu est plus « vert », plus timide. Il laisse plus de place au souffle, les notes sont moins affirmées, et son propos, quoique toujours maîtrisé, intègre l’hésitation, la césure.

Sur son premier album en quartet, Follow The Eye, il jouait de cette ambivalence pour alterner des phases de jeu intenses ou plus effacées. Sur ce nouveau disque, paru sur le label Laborie, il a en quelque sorte inversé son approche liée au choix de l’instrument, mais conservé la teneur mélodique de sa musique et l’engagement de son groupe, dont Silvio Morger, épatant batteur suisse, est le seul rescapé. Sur Path Of Decision, il réserve le ténor, désormais minoritaire, à deux ballades (et un interlude) qui lui donnent l’occasion de mettre son aisance, son assise, au service d’un propos sensible et contenu. Il privilégie donc le soprano, qu’il utilise sur les titres enlevés (« The Way Up », « Open Range »). Il s’y montre plus nerveux que par le passé, et ses envolées, outre qu’elles apportent à ces morceaux un indéniable lyrisme, donnent ponctuellement à la musique de faux airs de jazz fusion, tout particulièrement quand Silvio Morger décide de durcir sa frappe sur les temps et contre-temps

Pourtant, Path Of Decision est tout acoustique, et bien ancré dans l’esthétique post-bop d’aujourd’hui. Le groupe joue de manière assez dense, et c’est sur une rythmique mouvante et inventive que s’expriment le saxophoniste et Simon Seidl, jeune pianiste allemand qui s’illustre ici par un jeu dynamique et enveloppant. Olivier Lutz, contrebassiste luxembourgeois qu’on a pu entendre aux côtés de Sébastien Jarrousse, Anne Paceo ou Manu Codjia, apporte pour sa part ce qu’il faut de rondeur et relance sans cesse, conjointement à Morger, ce quartet dont l’enthousiasme est pour le moins communicatif. Les modes de jeu privilégiés sont ceux qui servent l’élan plus que la sophistication ou la déconstruction. Lorsque l’accent est mis sur des mises en place précises, la musicalité et l’interaction restent au cœur du propos.

Au centre de l’album, deux miniatures et une pièce, celle qui donne son titre au disque, illustrent le positionnement du quartet, un pied dans l’énergie et l’autre dans la retenue. La première voie, « Path 1 », est celle de la musique qui s’axe sur le rythme comme une marche cadencée. Le thème est interprété au ténor, tout est carré, sous contrôle. Puis ce même thème, sur « Path 2 », est déposé par le saxophone soprano sur un accompagnement ondoyant dont on croit observer le reflet à la surface d’une eau légèrement instable. Il semblerait que le saxophoniste se trouve, après ces deux miniatures, à la croisée de deux chemins. Mais choisir, c’est renoncer. C’est pourquoi sur le morceau « Path Of Decision », il décide de tout embrasser, laissant cohabiter de manière originale et pertinente la solidité de son souffle et une étrange friabilité des structures d’accompagnement.

Gageons que ce disque révèlera enfin ce saxophoniste luxembourgeois et son quartet au plus grand nombre en France. Passés relativement inaperçus, ses précédents disques en petite, moyenne ou grande formation ont pourtant montré au fil du temps que Maxime Bender était un musicien passionnant, tant dans son rôle de leader qu’en tant qu’instrumentiste.