Scènes

Mechanics à la Chapelle Corneille (Rouen)

Mechanics de Sylvain Rifflet faisait pour la première fois escale à Rouen


Lancé maintenant il y a cinq ans, Mechanics de Sylvain Rifflet faisait pour la première fois escale à Rouen en cette dernière journée de février avant d’embarquer ses engrenages vers l’Inde où les attendait une tournée et, à coup sûr, de nouvelles rencontres. Le décor de la Chapelle Corneille, auditorium baroque où l’électricité n’est pas toujours la bienvenue, a accueilli avec chaleur la musique répétitive et très contemporaine d’un quartet que l’on découvre rodé mais sans lassitude. Aucun paradoxe temporel : la mécanique joliment huilée se plaît dans les vieilles pierres habituées à la musique de chambre.

C’est désormais une image connue, tant le spectacle et le disque de Sylvain Rifflet ont amassé les « prix de beauté », comme il le dit lui même. Le saxophoniste arrive sur scène sanglé dans un imperméable rouge vermillon, le ténor tenu telle une guitare ou une arme de précision. C’est une position assez classique, dans le concert, lorsqu’il laisse ses comparses développer un propos net et millimétré. Cela donne un aspect graphique supplémentaire à une œuvre sensible où l’amalgame de timbres crée des sonorités inédites et oniriques. Voilà pourquoi, des percussions de Benjamin Flament à la guitare de Phil Gordiani, tout s’enchaîne à merveille sans qu’à aucun moment on puisse songer à une quelconque froideur.

Sylvain Rifflet © Franpi Barriaux

Au contraire !
Quand Jocelyn Mienniel entame « From C », avant d’être rejoint par le ténor, complice comme jamais, il règne une quiétude douce. Les bols heurtés par les maillets de Flament y sont pour beaucoup. Dans l’acoustique de la salle, fort bien domptée par le groupe, les frappes cristallines offrent à l’ensemble une couleur assez pastel qui s’accommode naturellement des dorures alentour. Ce qui est impressionnant, c’est que l’orchestre est suffisamment flexible pour s’adapter à la configuration de la salle ; on a la sensation que le feu pourrait prendre et sortir du gros son, mais Rifflet et Gordiani préfèrent instiller une tension plus latente, continuellement sur le fil. La mécanique est fragile mais ne rompt pas et transporte une salle conquise.
Lumineuse soirée.