Michel Reis 4tet

Pour ce nouveau disque, Michel Reis reconduit le quartet dont nous avions salué la cohésion et l’inspiration dans l’évocation de son premier disque, Hidden Meaning. C’est avec beaucoup de plaisir qu’on retrouve le pianiste, toujours aussi élégant, accompagné par Stefan Karl Schmid et ses sonorités chaleureuses et par l’efficace tandem rythmique composé de Robert Landfermann et Jonas Burgwinkel.

Cette fois, pas de signification cachée, le titre de l’album renvoie, tout comme celui des interludes qui parsèment le disque (« Image »), au monde de la photographie. Capturing This Moment représente en effet un instantané du groupe, un moment partagé devenu immuable. On y retrouve les caractéristiques qui nous avaient déjà enthousiasmés, subtil alliage de compositions très mélodiques et de développements basés sur l’interaction d’un groupe où chacun participe activement à la dimension poétique de la musique.

La majorité des morceaux portent des noms renvoyant à des scènes qu’on peut prendre plaisir à photographier, littéralement parlant ou simplement en imprimant l’image dans son esprit, en façonnant un souvenir. Il est souvent fait allusion à la voûte céleste (« Distant Constellation », « Corner Of The Sky », « Half Asleep Beneath The Stars ») ou à des éléments de la nature terrestre (« Twin Lakes », « Forest Scene », « Dry Winds and Dead Sands », « Galapagos »). Autant de paysages dont la pureté et la beauté simple se reflètent dans les compositions qui leur sont associées. Malgré quelques passages à la motricité plus appuyée, l’expression du groupe est de fait très organique et apaisée, comme peuvent l’être le voyageur, le flâneur ou le rêveur à qui s’offrent ces paisibles moments d’observation.

Cependant, on a beau être une fois encore captivé par l’esthétique délicate et raffinée du quartet, dont chaque morceau est un petit bijou écrit et interprété avec justesse, on ne peut s’empêcher de ressentir une légère frustration. Comme après la visite d’une exposition d’œuvres sans personnage où chaque photographie serait une réussite, mais où l’absence de regards, d’expressions, finirait par se faire sentir. Peut-être manque-t-i ici quelques portraits qui laissent place à la fêlure. Capturing This Moment est éminemment élégant, très beau. Il gagnerait à être plus fragile. Pour autant, dans l’énergie comme dans le dépouillement (magnifique démonstration d’épure sensible sur « Pastoral »), le quartet livre un recueil de pièces ciselées et partage avec nous un somptueux panorama. Nous aurions tort de détourner le regard.