Scènes

Miles Davis


Miles par Lydiane Ferreri

Oui, j’ai vu Miles en concert.
Trois fois.

Dans les années 70, en 1971 je crois, dans le cadre du festival Sigma. Keith Jarrett était au piano électrique. Voir ici même la chronologie Sigma pour plus de précisions.
Souvenir très vague d’une forte musique, à la fois complexe et ouverte. Ce qui ne (nous) empêchait pas de circuler dans l’Entrepôt, entre les piliers, à la fois pour faire des photos (nulles comme d’habitude) et pour draguer les jeunes femmes, avec un succès limité. Mais du coup, on écoutait pas vraiment…

C’est cette fois que Miles Davis a voulu acheter la R4 d’un ami contrebassiste qui l’avait transporté. Il faut se souvenir que l’Entrepôt Lainé était un espace ouvert entouré d’arcades, qu’on n’y disposait que de quelques (300/400) places assises, et que la très nombreuse assistance était le plus souvent debout, ou assise, ou même couchée par terre. Se rappeler aussi qu’on était autorisé à fumer (« il est interdit d’interdire »), et que cette année-là Maurice Cullaz était venu pour assister au festival. Ayant repéré le petit groupe d’amateurs plus ou moins éclairés que nous formions, il venait très régulièrement nous demander si nous n’avions rien « à fumer ». D’où la fameuse expression, qui nous amusait beaucoup, des « joints de Cullaz ».

Une autre fois, bien plus tard (années 89/90 ?), à la patinoire de Bordeaux. Souvenir d’un Miles très absent, jouant très peu, entrant et sortant sans arrêt. Pour le reste, c’est très flou.

Une dernière fois, au festival d’Andernos en juillet 1991, deux mois avant sa mort.
Là, souvenir très fort et très présent.
D’abord - quelle bêtise le souvenir - parce que j’étais « backstage », que nous avions consigne de rester cois, de ne pas faire de photos. Alors j’ai attendu. À l’heure dite il est sorti d’une sorte de caravane, et a parcouru les dix mètres que le séparaient de l’entrée du chapiteau. Je l’ai vu alors de très près (ce magnifique visage de la fin), il a projeté un jet de salive avant de porter la trompette à ses lèvres. Et puis le concert (qui avait déjà commencé) s’est déroulé, je suis repassé côté salle et j’ai dansé (oui, dansé, à ma façon, mais c’était irrépressible) toute la soirée. Un concert admirable, des échanges avec Kenny Garrett à frémir. « Quelque chose qui bat » ai-je écrit je crois en souvenir de ce concert dans un magazine bien connu. Impossible de résister à ce « beat »…

J’ai beaucoup aimé ce Miles Davis de la toute fin, qui avait (selon moi) retrouvé une partie de ses moyens, un son, un phrasé.