Chronique

Mixel Etxekopar & François Rossé

Transhumantzia

Mixel Etxekopar : xirula, ttun-ttun, voc, cl, fl, alboka, sonnailles, sons d’oiseaux ; François Rossé : p « paléophone », voc

Label / Distribution : Elkar

Un moment qu’on l’attendait, cet album. A force de croiser le duo Etxekopar-Rossé par tous les chemins, on se disait bien qu’il finirait par se faire. On appréhendait certes la froideur stérilisante du studio, mais connaissant les deux oiseaux, on avait peu d’inquiétude. Et on avait raison.

Transhumantzia, trajectoire entre un aller (« Joan ») et un retour (« Itzuli »). Un itinéraire impossible à cataloguer, à l’image de Mixel Etxekopar - souffleur-siffleur, percuteur de tambourin à cordes, marcheur-oiseau, joueur de sonnailles, Souletin professionnel - et François Rossé - pianiste alsacien qui n’aime rien tant que jeter aux orties sa soutane d’éminence de la musique contemporaine -, rassemblés par un même amour de la montagne et des éléments, une même liberté résolue, une même recherche probablement.

Cette transhumance-là, qui commence et finit comme toutes les autres au son des clarines et des chiens de berger, vous emmène par des sentiers inconnus, buissonniers, vous égare un peu, vous retrouve beaucoup, et vous ramène au point de départ, car le but de ce voyage-là est de revenir.

On revient en effet, mais changé. Ces onze étapes déroulent des paysages émotionnels différents, complémentaires, entre deux parenthèses symétriques et picturales : « Joan » et « Itzuli ». Un poème énigmatique et un tango burlesque sur « Han eta hemen » - tour de force : parvenir à vous émouvoir en faisant les pitres -, un chant d’amour (« Ürrütiko kantorea »), un poème acerbe (« Ni ») escorté d’un air diabolique d’alboka [1], une facétie en dialecte alsacien (« Barg Waaj »), une autre en yaourt uzestois (« Uzeste-ri bai ! »), des instruments polymorphes - un piano haut en couleurs qui navigue du romantisme au « messiaenisme » puis tutoie Jean-Sébastien et Thelonious, d’innombrables instruments à vent joués de façon saisissante, des percussions au piano, à la bouche, un tambour à cordes, des oiseaux, des choses que vous ne reconnaîtrez pas, d’autres qui seront déjà reparties avant que vous ayez pu les nommer.

Au-delà des mots [2], le langage musical vous guide à la découverte de quelque chose qui n’est pas dans l’album seul, mais dans la rencontre entre cette musique et vous. Un disque comme celui-là, c’est comme une initiation, cela ne se raconte pas : cela se vit. Transhumainement.

par Diane Gastellu // Publié le 28 avril 2011

[1Instrument basque à anche, fait de roseaux et de cornes.

[2Dont la traduction figure dans le livret, pour la plupart.