Chronique

Moker

Ladder

Mathias Van de Wiele (g, fh), Jordi Grognard (ts, cl, bansuri), Bart Maris (tp, elec), Lieven Van Pée (b, elec), Giovani Barcella (dms)

Label / Distribution : El Negocito Records

Moker est un orchestre symbolique de la Flandre. Composé de musiciens renommés en Europe, tel le trompettiste Bart Maris ou le contrebassiste de De Beren Gieren Lieven Van Pée, il peine cependant à dépasser les frontières de la Belgique malgré ses dix ans d’existence et ses cinq albums. Basé à Gand, à l’instar de la plupart des musiciens flamands impliqués dans le spectre des musiques improvisées, Moker, qui signifie marteau en néerlandais, est soutenu par le label El Negocito Records qui documente à merveille cette scène trop négligée dans l’Hexagone. Certes, Maris et sa trompette percluse d’effets a déjà frappé les esprits lors d’une collaboration avec Walabix, et le batteur Giovani Barcella a fait forte impression récemment avec Charles Gayle aux Soirées Tricot. En revanche le guitariste et corniste Mathias Van de Wiele, qui assurément tient le manche de ce marteau, n’a pas la notoriété qu’il mérite.

Pourtant, l’improvisation très ouverte de Ladder (échelle en anglais : sans doute un clin d’œil au théâtre Scala de Gand où a eu lieu l’enregistrement, plutôt qu’une métaphore filée dans les travées d’un magasin de bricolage), ainsi que le format court des titres, doivent beaucoup au jeu à la fois pugnace et aérien de Van de Wiele. Durant toutes ces années, le line-up a évolué, des amis comme Joachim Badenhorst sont passés, mais le guitariste est immuable. C’est lui qui donne la température. Elle bouillonne au cœur du bien huilé « Zwengel » où les riffs acides viennent se fracasser sur une rythmique funk brûlante, attisée par les cascades volcaniques du ténor de Jordi Grognard. Elle est néanmoins plus douce lorsque sur « Skopalli », les plaintes traînantes des cordes viennent s’unir aux cris de sa clarinette.

La relation triangulaire entre Maris, Grognard et Van de Wiele est un véritable catalyseur de mouvement. Elle pénètre au plus profond de l’axe de Barcella et Van Pée (« Zwarr Metaal »). Comme souvent dans les projets auxquels s’attache Bart Maris, l’omniprésence de l’électronique et l’électricité convoie énormément de sensations. Dans Moker, celles-ci sont utilisées pour une narration avide de détails. Les morceaux forts expressifs de Ladder permettent de développer une idée ou un climat en peu de notes, d’autant plus quand ceux-ci se chevauchent, à l’image de la fugace déflagration collective de « Kruidsteen » qui semble répondre à l’indolence souriante de « Mind The Gap ». Un album d’une grande fraîcheur qui invite à s’intéresser de près à la scène gantoise.