Chronique

Muvien / Humair / Jeanneau / Viret

Flench Wok

Jean-Philippe Muvien (g), François Jeanneau (ss), Jean-Philippe Viret (cb), Daniel Humair (d)

Label / Distribution : Bee Jazz

Daniel Humair continue son œuvre de Pygmalion... Après Baby Boom et Gabriel Zufferey, le voici aux côtés du guitariste Jean-Philippe Muvien, pour un album bouillonnant.

Bien qu’à peine trentenaire, Jean-Philippe Muvien n’est pourtant pas un nouveau venu sur la scène du jazz ; il a déjà enregistré Vive les Jongleurs chez Cristal Records en 2003, en compagnie de ses collègues niçois Jean-Marc Jafet (b) et Yoann Serra (d), avec en invité le trompettiste François Chassagnite. Sur Flench Wok, outre Daniel Humair et Jean-Philippe Muvien, le quartet est constitué de l’inépuisable François Jeanneau, et de l’omniprésent Jean-Philippe Viret. Les acteurs et l’orchestration sans piano annoncent d’emblée le menu : une musique sans retenue, énergique et pleine d’humour.

Le titre de l’album est, lui aussi, évocateur. Au-delà du jeu de mots entre « French », prononcé à la Japonaise (selon Jean-Philippe Muvien) et « wok », la grande poêle très utilisée en Asie (ou « work » prononcé par des Japonais ?), on comprend qu’il s’agit d’une recette à la française, avec des épices venues des quatre coins du monde. Et, de fait, la musique de Flench Wok reste dans l’esprit de ce « free européen », qui mélange aux racines afro-américaines un engrais fait de musiques du monde, rock, folklores, voire musique contemporaine.

Les quatre musiciens se partagent les compositions et ne se privent pas de leur donner des noms amusants, à l’image de « Lou And the Pote Agé », « Arghh Arghh !!! », « Toi, moi, lui » ou « Kotor » (« sale » en indonésien). A l’instar des compositions, il y a une grande interaction entre les artistes, comme ces jolis dialogues entre la guitare et le soprano dans « Vive les jongleurs » et « Mon petit lapin », ou les conversations guitare-contrebasse-batterie, calmes dans « Lou And the Pote Agé », emportées dans « Toi, moi, lui ». Dans l’ensemble, beaucoup de phrases courtes, heurtées, commencées, arrêtées, reprises... L’amateur de chansons douces comme lui en chantait sa maman s’abstiendra ! A l’énergie habituelle de Daniel Humair - chorus aux tambours dans « Kotor », démarrage en fanfare dans « Vive les jongleurs » -, s’ajoute celle de la guitare électrique de Jean-Philippe Muvien - notamment ses solos « rockisants » dans « L. » et « Palindrome ». Sans oublier le soprano de François Jeanneau, qui se mêle joyeusement à la bataille - « Toi, moi, lui » - ou prend des solos qui ne poussent pas particulièrement au farniente - « Palindrome ». Dans cet univers, la place du bassiste n’est pas facile, mais Jean-Philippe Viret s’en tire avec les honneurs dès son premier chorus - « Kotor » -, puis confirme, avec une composition très élégante, « Mon petit lapin », dans laquelle il utilise l’archet pendant que la guitare et le soprano entrelacent leurs voix.

Impossible de conclure sans peinture. Donc, mention spéciale pour la pochette qui, vous vous en doutez, n’est autre qu’une œuvre de Daniel Humair. Et on laissera le dernier mot au tableau, car sa description par une voix enfantine est une belle ellipse pour cette musique : « Un monsieur joue de la trompette pendant que les autres jouent aux échecs »...