Chronique

Nicolas Lelièvre

Live At Total Meeting

Nicolas Lelièvre (perc), Carlos Zingaro (vln), Jean-Luc Cappozzo (tp, flh), Jérôme Bourdellon (fl, bcl)

Label / Distribution : NoBusiness Records

Enregistré fin 2010 à Tours dans le cadre du Total Meeting Festival, ce Live, fruit d’un quartet furieusement libertaire, avait bénéficié d’un passage sur France Musique dans l’émission A L’improviste d’Anne Montaron avant de se retrouver chez NoBusiness. Ce label balte, défricheur s’il en est, qui a souvent permis la diffusion de grands noms de la musique improvisée européenne, présente ici la formation du Rouennais Nicolas Lelièvre, accompagné de grands noms tels Carlos Zingaro ou Jean-Luc Cappozzo.

Ce jeune batteur ne jouit pas encore de la même reconnaissance que ses glorieux aînés, mais ces derniers ne s’y sont pas trompés qui partagent la scène avec lui depuis des années. Sur sa carte de visite, citons notamment des rencontres avec Joëlle Léandre et la complicité ancienne qui le lie à Carlos Zingaro. Le violoniste lusitanien le rejoint ici dans une formation dont on avait pu découvrir l’esquisse durant le festival Jazz à Part. Au fil du temps, le jeu de Lelièvre a gagné en profondeur à proportion de ce qu’il a jugulé en impétuosité. La place qu’il laisse désormais à ses comparses permet de creuser les profonds sillons d’une eau-forte qui se dessine sous nos yeux et se solidifie, à force de masse et de relief. Elle peut se retrouver balayée en un instant et se reconstruire, avec autant de vigueur, sous des atours nouveaux, au gré des horizons.

Car ce Live At Total Meeting est avant tout une affaire d’architectes et de paysagistes. En trois scènes aux aux angles fugitifs dont les plans s’étirent dans un espace maîtrisé, le quartet balaie des déserts aux sables mouvants et des forêts luxuriantes. Plus percussionniste que batteur, Nicolas Lelièvre indique sans imposer, hormis des volumes versatiles où ses comparses ont toute liberté. Il bâtit en quelques lignes de fuite des univers fourmillants sur les ruines fécondes de l’instant précédent. C’est ainsi que naissent le faussement serein « Total 1 », posé sur le souffle de stentor de la flûte sous-contrebasse (Jérôme Bourdellon, autre base du trio) ou sur un éclat de trompette de Cappozzo… Constellation de desseins communs qui implose sur le crin de l’archet de Zingaro.

Ce Live At Total Meeting se caractérise d’abord par une frappe bondissante, un tintement impétueux ou un frottement furtif qui infléchissent l’ensemble, comme dans ce « Total 3 » où tout naît à la fois du frottement de l’archet et du souffle velouté de la flûte avant que la batterie ne propulse l’ensemble dans une perspective profonde aux allures de chaos. Un tumulte généreux dans lequel on plonge avec délectation.