Chronique

Nils Petter Molvaer

Buoyancy

Nils Petter Molvaer (t), Geir Sundstol (g), Jo Berger Myhre (b, kb), Erland Dahlen (dms, perc)

Label / Distribution : Okeh Records

Khmer, premier album en leader de Nils Petter Molvaer, reste sans doute, encore aujourd’hui, l’un des sommets de sa discographie. Peut-être le plus haut. L’usage des boucles rythmiques, conjugué aux tensions toujours vivement électriques des cordes, donnait un espace de jeu à son instrument, un intervalle de liberté (des répliques alertes et venimeuses aux bouffées d’azur ou de plomb) qui lui permettait, comme il le souligne si souvent, de composer une musique tout à la fois organique et synthétique.

Après Switch, sorti en 2014, qui avait retrouvé les faveurs de la critique, Buoyancy est le dix-septième album solo du trompettiste. Qui aurait l’idée d’escalader le même sommet seize fois de suite ? N’est-ce pas plutôt de ce point si élevé, et qu’il a trouvé si tôt, que depuis tout ce temps il tente de s’élancer, lui et sa musique ?

À l’image de la pochette de ce nouveau disque, on sent bien que ce sont aussi bien les pentes et les courants aériens qui s’ouvrent en les suivant qui semblent intéresser le musicien : les descentes et le vide autant sinon plus, aujourd’hui, que les fulgurantes montées de « sève » et d’adrénaline, jungle ou technoïdes.

Entouré des mêmes musiciens ou quasi - Geir Sundstol de retour à la pedal steel guitar, Erland Dahlen toujours aux percussions, seul Jo Berger Myhre, aux basses et claviers, remplace Morten Qvenild - Molvaer continue d’installer sa musique dans la lenteur. L’apesanteur même. Le vol planeur. Les rythmes s’apaisent en effet et la trompette introduit plus patiemment ses thèmes, laissant même parfois toute une nuée de guitares planantes ou acides les développer sans elle (Pedal Steel dans « Ras Mohammed », guitare électrique dans « Jackson Reef »). Mais si la cadence ralentit, les accélérations n’en sont que plus brusques et les temps aussi, parfois, plus violemment marqués. Et c’est ainsi que d’un titre à l’autre, ou au sein d’une même pièce, on passe de temps calmes où le souffle de la trompette emplit seul l’atmosphère (« Martoli Bridge ») à des temps plus abrupts : l’espace s’épaissit, ceinturé subitement par de lourdes résonances de basse, de lourds coups de batterie (« Amed »), avant de retrouver le doux chuintement de la trompette de Molvaer.

Le titre de ce nouvel album fait référence à la flottabilité des corps. Si Molvaer, apparemment, ne vise plus les sommets, il est bien loin, pourtant, d’avoir sombré dans les eaux.