Chronique

Norbert Stein Pata Messengers

Das Karussel

Norbert Stein (ts), Nicola Hein (g), Joscha Oetz (b), Noemi Stein (voc), Etienne Nillesen (dms),

Label / Distribution : Pata Music

Figure du jazz germanique assez méconnu en France, Norbert Stein a pourtant déjà rencontré des musiciens hexagonaux. Avec Alain Gibert et Jean Méreu de l’ARFI, entre autres, il avait créé une version de La Belle et la Bête en allemand, pièce d’une discographie pléthorique déclinée autour d’une entité mouvante nommée Pata. Pata Music comme d’autre font de la pataphysique : quelque chose d’imprévisible et poétique. Une ligne de conduite qui correspond bien à ce féru de poésie qui réunit également un grand orchestre pour une « Pata-composition ». Graffiti Suite, son travail le plus connu, fut enregistré par le NDR Big Band, où les notations graphiques lorgnent indubitablement vers la musique contemporaine.

C’est pourtant avec une direction plus classique que Stein s’attache à la poésie de Rainer Maria Rilke. Le quartet qu’il a construit, le Pata Messengers, est composé de fidèles, notamment le guitariste Nicola Hein, qui joue par ailleurs avec Rudi Mahall. Son rôle est celui d’un architecte : il donne de la profondeur au ténor très expressif du leader (« Wie soll ich mein Seele halten ») et sait le dynamiter dans des accès de colère soudains, qui illuminent l’album. On pense par exemple à « Lösch mir die Augen aus ich kann dich sehen » où les cris du saxophone sont submergés par les frappes conjointes de la guitare saturée et des percussions d’Etienne Nillesen, qui privilégie les cymbales, comme pour attribuer un peu plus d’éclat à la poésie de Rilke.

Car ce sont bien les mots de Rilke qui nourrissent ce disque. Sa passion, sa rage, son désespoir aussi qui rend parfois tout instable et s’exprime dans le jeu plein de tension de la contrebasse de Joscha Oetz, que l’on a déjà pu croiser avec Barre Phillips. C’est la lecture des poèmes par Ingrid Noemi Stein qui lance chacun des morceaux. La douceur printanière de « Das Karussell » provoque cette récitation légère tout comme la fougue de « Einmal, am Rande des Hains » offre au quartet un moment de lyrisme. Ne vous inquiétez pas si vous n’entendez pas l’allemand. Norbert Stein vous offre une Pata-traduction empruntant à la grammaire free qui retranscrira à merveille le propos de Rilke.