Chronique

Odeia

Parlami

Elsa Birgé (voc), Karsten Hochapfel (cello, g), Pierre-Yves Le Jeune (b), Lucien Alfonso (vln, g)

Label / Distribution : Wopela Label

On se souvient d’Odeia, ce petit miracle qui avait enchanté toutes sortes de publics il y a cinq ans avec un premier album où tout se mélangeait sans pour autant se gâter : Balkans, chanson française, âme russe et chants de marins nostalgiques. Escales nous présentait un quartet d’amis, avec les cordes protéiformes de Karsten Hochapfel et surtout la voix d’Elsa Birgé. Puissante, grave ou joyeuse, pleine de larmes ou de piquant… Ils reviennent, pour un second album tout aussi voyageur dans un bateau aux voiles gonflées. La Grèce est toujours là, c’est un centre de gravité culturel (« Tha pethano glykia mou agapi », chanson inaugurale d’amour perdu), mais la mer Adriatique prend son importance. Dans l’adaptation des chansons collectées, l’Italie prend une large place, jusqu’aux bluettes popularisées par Tino Rossi (« Parlami d’amore Mariu »). Ce qui laisse à penser que tout est dans l’arrangement, et la contrebasse de Pierre-Yves Le Jeune ainsi que le violon de Lucien Alfonso donnent un petit côté mutin à et léger à ce qui pourrait être un vrai « napolitain » : crème au beurre, génoise, sucre.

Chaque répertoire visité devient le biotope d’Odeia dans ce joli Parlami. « Plainte », tirée d’un spectacle sur la Commune de Paris, est chargée d’émotions fortes et teinte de noir un disque qui explore beaucoup l’absence, le manque et l’abandon. On l’écoute avec un certain recueillement, avec cette étrange sensation d’être heureux de sentir poindre la tristesse. Cela vient sans doute de la distance et du respect dont fait preuve Odeia à chacune de ses approches. En témoigne fortement la version du « Alifib » du grand Robert Wyatt qui apparaît comme une petite bulle magique à laquelle vient se joindre Antonin-Tri Hoang. Elsa Birgé y rentre sur la pointe des pieds, laisse faire ses camarades et parvient à saisir toute la dramaturgie de la chanson. Wyatt, charmé par cette lecture que l’orchestre réalisait depuis longtemps sur scène, leur a même fait cadeau d’un second texte, « Venti Latir », qui volette dans la tête comme une petite douceur.

Odeia est inclassable. Une qualité, nécessairement, et un défaut peut-être pour les esprits chagrins. Il suffit pourtant de se laisser guider par la main pour voyager dans ses enceintes. Pour s’enflammer sur « O Maharagias » et se remémorer avec un brin de nostalgie que demain nous sommes septembre dans la « Chanson d’Hélène ». Parlami nous chuchote à l’oreille. C’est une sensation des plus agréables.