Scènes

Olivier Collette Quartet

Le pianiste vient défendre sur scène son premier album


Athanor Studio, Bruxelles
11 janvier 2002

Olivier Collette (p), Kurt Van Herck (ts, ss), Nicolas L’Herbette (b), Jan de Haas (d)

Collette, méconnaissable avec ses cheveux coupés courts, s’est entouré de trois des musiciens présents sur Joy and Mystery pour en interpréter la quasi-intégralité. Mises à part les différences dues à l’instrumentation, l’ambiance générale du concert est restée très proche de celle de l’album, sans ajouter d’expansivité, mais généralement sans perdre de ses qualités propres.

Le concert a débuté avec D’Armor, qui représente un aspect de ce que Collette atteint en ses meilleurs moments : une sorte de force douce et souple, basée sur des courtes mélodies répétées et évolutives (par exemple, le thème primaire de Black Feel, Joy and Mystery, Elégiaque). Le groupe était bien soudé, ce qui paraît normal, vu qu’ils ont enregistré et joué plusieurs concerts ensemble. J’ai également admiré l’exécution presque sans faute de certains morceaux pas du tout faciles : Cascatinha, notamment, combine un unisson saxophone-piano très rapide à un accompagnement en stop-time particulièrement périlleux.

Les morceaux calmes et contemplatifs tels que Marie ou Chanson du Vieil Amant ont été très bien interprétés, avec de bons solos. Sur Marie, notamment, Van Herck a livré un solo « parfait », allant au fond d’une ballade aux émotions qui semblaient lui aller comme un gant. Chanson du Vieil Amant est un autre thème particulièrement marquant, qui crée une ambiance similaire à la version de Exit Music (For a Film) jouée par Brad Meldhau.

Du côté négatif, Black Feel et Magma contiennent au niveau compositionnel ce à quoi je ne me fais pas chez Collette : cette tendance à mettre de bonnes mélodies (comme décrit dans le troisième paragraphe) ensemble avec des choses beaucoup moins satisfaisantes. Le thème secondaire de Black Feel qui mène aux solos, pour être ensuite repris en clôture, me semble en conflit total avec le thème primaire et lui est à mon avis très inférieur. D’ailleurs, sur l’album comme en concert, les solistes n’y font pas allusion, sauf harmoniquement. Cela dit, j’ai vu d’autres spectateurs apprécier cette partie du morceau, alors… Dans Magma, c’est une évolution du thème vers une mélodie « extra light » qui me laisse perplexe.

Le seul morceau qui m’a semblé moins bien sur scène était malheureusement mon morceau favori de l’album, Invention Jazz. Le ton léger et drôle de la version enregistrée semblait ne pas aller du tout à Van Herck, qui ne rigole pas beaucoup dans son jeu. Bien sûr, l’absence d’un autre soufflant pour assurer les contrepoints (repris à la basse) a modifié la nature du morceau, mais où sont passées ces merveilleuses parties de piano stride et ragtime ? D’ailleurs, Collette aussi, dans son solo, m’a semblé bien sérieux sur un morceau qui se devait de faire sourire. Seule la touche finale a rappelé un peu l’humour original. En somme, j’ai été plutôt déçu par ce morceau qui m’a paru avoir perdu son âme.

S’il n’y a pas eu beaucoup de modifications dans les formes des morceaux par rapport à l’album, le coda ajouté à Hello Mister Blues était particulièrement bienvenu. De Haas a pu y étaler un groove librement polyrythmique pour un des rares moments purement jouissifs du concert.

Van Herck est un saxophoniste au son relativement léger et tendu, avec une conception linéaire qui privilégie des idées mélodiques longuement développées. Il a le grand mérite de véritablement communiquer sa personnalité musicale, de se livrer sans faire semblant (du moins, je le pense après l’avoir vu deux fois en concert). Ses solos permettent d’apprécier un musicien réfléchi, possédant une grande expressivité et un désir d’explorer chaque thème (comme sur Irlandaise, avec ses « notes vertes »). A noter aussi, sa tendance Coltranienne à répéter pendant l’entracte !

Je peux dire, pour l’avoir vu en concert pas mal de fois, que De Haas est un bon batteur (et excellent vibraphoniste, me dit-on) : il est solide, régulier et pas du tout démonstratif. Un batteur modèle, en somme. Mais son jeu sur Black Feel résume ce que je vois comme différences entre lui et Mimi Verderame (qui a joué ce morceau sur l’album et qui devait jouer ce concert à l’origine) : le second a plus de fantaisie, de sautillement dans ses rythmes, une petite étincelle dans son jeu. Sur Black Feel donc, ce sautillement a disparu pour faire place à un rythme plus plat et carré. Ce n’est pas une raison de bouder ses solos, agréables même s’ils sont un peu studieux, son jeu de cymbales délicat ou ses grooves sympathiques.

Collette et L’Herbette ont eu beaucoup plus de présence en tant que solistes durant ce concert que sur l’album et tous deux s’y sont montrés à leur avantage. Le premier a distillé un jeu varié, par exemple au niveau de l’attaque (une main, deux mains, single-note ou plus dense). Le second n’avait qu’un seul solo sur l’album, mais en a pris de nombreux ce soir, presque toujours très intéressants, naviguant entre jazz pur et funk. Dans son accompagnement, l’on ne regrettait nullement le son d’une basse acoustique, tant L’Herbette soutenait bien ses compères et ne se laissait aller à aucune facilité.

Afin de nous laisser dans de bonnes dispositions, Disanka a clôturé le concert. Là-dessus, Van Herck a montré d’autres paramètres de son jeu. Disanka est basé sur un groove Congolais et donc fort dansant. Quand il tentait de jouer au fond du groove de manière purement rythmique, cela ne passait pas du tout, ne « sonnait » pas. Quand il approchait ce groove de manière plus oblique, plus distanciée peut-être, alors l’on le sentait plus dans son élément.

1er set
D’Armor
Hello Mister Blues
Black Feel
Marie
Cascatinha

2nd Set
Magma
Invention Jazz
Irlandaise
Chanson du Vieil Amant
Disanka