Chronique

Olivier Le Goas

Reciprocity

Olivier Le Goas (dms), Phil Donkin (b), Kevin Hays (p), Nir Feld (g)

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

La photo de la pochette représente une construction étrange, graphique et nécessairement éphémère qui se reflète dans une eau calme et à peine troublée par le vent. Sur la structure, le soleil pointe son nez, mais l’eau comme les arbres sont plongés dans la pénombre ; ambiance claire-obscure dont on ne sait pas si elle vient de l’aube ou du crépuscule. Une transition où chaque instant compte et peut changer la perception du tout au tout. Il est rare qu’une image détaille aussi bien le contenu d’un disque : Reciprocity d’Olivier Le Goas entre dans cette catégorie. Ce nouveau quartet, constitués de musiciens new-yorkais (le contrebassiste Phil Donkin est anglais mais installé aux Etats-Unis), est l’occasion de renouer avec la grande musicalité du batteur breton qui signe tous les morceaux.

Olivier Le Goas a toujours aimé regarder de l’autre côté de l’Atlantique. On se souvient de l’invitation faite à Kenny Wheeler, auquel il voue une admiration sans faille, pour l’enregistrement de Sur les corps des klaxons. « Call » en est un témoignage, où la douceur née des cymbales emmitoufle une discussion quasi-chambriste entre le pianiste Kevin Hays, accompagnateur régulier de Sonny Rollins, et le guitariste Nir Feld, habitué des orchestres de Terri Lyne Carrington. Mais il y eut aussi Gravitations, le premier album sous le nom du batteur, en compagnie de Drew Gress, Ralph Alessi et John Abercrombie. Reciprocity ressemble beaucoup à ce disque, même si pour la première fois, le piano remplace la trompette. Ce que l’on perd peut-être en éclat, on le gagne en cohésion et en souplesse (« Cécile »), même si l’on aimerait parfois retrouver le mordant de ses précédents albums.

Les compositions de Le Goas, plus complexes que leur sobriété mélodique veut bien le faire croire, font une utilisation étonnante de l’alliage piano/guitare. Feld et Hays jouent liés, à l’unisson, à l’instar de « Main Street », titre limpide où la batterie acérée et coloriste laisse s’échapper ses collègues, comme une rampe de lancement. Il en résulte une sonorité très particulière et homogène où le quartet se sédimente en deux blocs qui s’opposent avec une douceur réciproque, la batterie et la contrebasse boisée de l’ancien compagnon de Wheeler (on ne se refait pas), tiennent une ligne rythmique fort moelleuse. Un album agréable qui permet de retrouver le trop rare Olivier Le Goas et son jeu élégant en toutes circonstances.