Scènes

Olympe Trio à Rouen


Sylvain Cathala © F. Barriaux

Il est des soirs où Rouen est désespérant. Non pas que la pluie d’automne suinte sur les pierres sales, mais parce que le désert du centre ville saute aux yeux quand on traverse la place de l’Hôtel de Ville pour rejoindre le « Le 3 Pièces », où Sylvain Cathala est déjà venu il y a quelques mois présenter un autre trio, en compagnie de Sarah Murcia et Christophe Lavergne. En ce morne vendredi soir, c’est donc dans la bulle chaleureuse de cette cave de jazz qu’il côtoie Alexandra Grimal et Stéphane Payen au sein de l’Olympe Trio, nouvelle formation, née à l’Olympic Café parisien.

Ce n’est pas la foule des grands soirs non plus en sous-sol mais au moins le talent de l’Olympe Trio a l’art de réveiller les fantômes de ce joli lieu et en accentue le côté intime. On connait la complicité qui unit Cathala et Payen ; le plaisir qu’ils prennent à mêler les timbres pour créer une pâte musicale drue et labyrinthique a forgé le son de Print. En l’absence de toutes section rythmique, la construction et la densité de leurs échanges paraît galvanisée par cette sobriété.

Avec Jazzophone, Payen a déjà participé à une formation exclusivement composée de saxophones. Ici il lui arrive de diriger, sans dominer la puissante quiétude de Cathala, qui colore les morceaux de son goût pour les ténèbres. Au centre de cette unité, on retrouve avec plaisir Alexandra Grimal au soprano et au ténor, parfois aux deux en même temps. Loin de complexifier le propos, entre la rondeur du ténor de Cathala et le son plus sablonneux caractéristique de l’altiste, elle apporte une respiration et des inflexions qui évoquent certains folklores imaginaires.

Olympe trio © F. Barriaux

Ensemble, tous trois font naître de fugaces chimères. Elles seront chassées sans brutalité et des images sibyllines transmises, comme on devient télépathe, d’un saxophone à l’autre. Du simple souffle au choc des clés qui impriment des rythmiques volatiles, la musique de l’Olympe, en perpétuel mouvement, cherche constamment l’unité. Les morceaux, entièrement improvisés, évoluent entre puissance soudaine et détachement chambriste avec une grande justesse.

L’Olympe trio invente avec un plaisir visible de nouveaux sentiers de traverse pour nous emmener jusqu’à son sommet. De quoi s’élever, sans doute, au-delà de la grisaille rouennaise…