Chronique

Omer Klein

Fearless Friday

Omer Klein (p), Haggai Cohen-Milo (cb), Amir Bresler (dr)

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

Avant les concerts, Omer Klein et ses musiciens ont l’habitude de parier sur le nombre de morceaux qu’ils joueront avant que l’un d’eux n’enlève sa veste. Cette attention au thermomètre en dit long sur leur conception de la musique : un jazz qui s’adresse aux corps aux cœurs, et qui fait (au minimum) danser les têtes.

Omer Klein appartient à la jeune garde du jazz contemporain israélien qui a su construire et faire reconnaître sa spécificité ces dernières années (on pense notamment à Omer Avital, « aux » Avishai Cohen, à Shai Maestro, Gilad Hekselman, etc). Il grandit dans la ville balnéaire de Netanya, sort diplômé de la Thelma Yellin High School of the Arts (où il rencontre Haggai Cohen Milo), puis s’envole pour les Etats-Unis. Il étudie alors au New England Conservatory de Boston avec Danilo Perez, puis à New York aux côtés de Fred Hersch. Il réside désormais en Allemagne.

Doté d’une excellente technique, Omer Klein plonge à sa manière les racines de son esthétique moderne dans la musique moyen-orientale de son enfance. Elle en a conservé la simplicité des mélodies séfarades et la sensualité mélancolique - parfois indolente - des atmosphères méditerranéennes. Ce sixième album en leader s’éloigne sensiblement de cet ancrage géographique pour aborder à des rivages plus branchés. Fearless Friday affiche une volonté plus affirmée que ses prédécesseurs d’atteindre l’efficacité “pop” qui fait généralement son petit effet en festival : ses compostions (toutes de sa plume à l’exception d’ « Azure », signée Duke Ellington) en ont le goût des mélodies accrocheuses, les formes et les harmonies d’une apparente simplicité.

Klein est, par ailleurs, très bien entouré ; Haggai Cohen-Milo joue simple et solide, et la batterie sèche et croustillante du jeune Amir Bresler (que beaucoup ont découvert au sein du trio du contrebassiste Avishai Cohen) fait chalouper l’ensemble dès les premières frappes. Le sens de l’interaction des uns et des autres et la variété des dynamiques employées donnent vie aux développements improvisés, même quand les contenus mélodiques ne laissent pas présager de surprise.

Cet album ne cache pas sa volonté de séduire mais conserve une sincérité et une chaleur qui lui permettent d’obtenir l’effet escompté. On se prend malgré tout à regretter un peu la patte plus puissamment méditerranéenne qui relevait délicieusement la saveur des précédents albums et que la direction artistique de John Zorn savait si bien canaliser sur Rockets on the Balcony (Tzadik, 2010).