Chronique

Orchestre National de Jazz

Concert anniversaire 30 ans

Bien sûr, nous eûmes des orages
Trente ans d’amour, c’est l’amour fol
Mille fois tu pris ton bagage
Mille fois je pris mon envol…

Voici trois décennies que l’Orchestre National de Jazz occupe les discussions des amateurs. Qu’on aime la détester ou qu’on aime l’aimer tout simplement, la relation avec l’institution a toujours rythmé la vie du jazz hexagonal, façonnant des carrières et flairant l’époque, ce que Citizen Jazz relate depuis 2001 avec attention [1]. Autant dire que cet enregistrement réalisé à la Philharmonie de Paris, réalisé dans le cadre de la mandature d’Olivier Benoit avec la présence de tous les anciens directeurs depuis 1986 faisait figure d’évènement. Le 2 septembre 2016, les onze musiciens de l’orchestre ainsi que bon nombre d’invités ont donc célébré l’ONJ dans toute sa diversité et sa continuité, n’en déplaise aux tristes sires qui voyaient en sa mouture actuelle une rupture. Entendre Théo Ceccaldi s’offrir un solo gourmand sur la « Real Politik  » de Claude Barthélémy venu mettre le feu à la guitare ou voir l’orchestre (puisque le concert est aussi proposé en DVD) s’éclater sur le « Jazz Lacrymogène  » de François Jeanneau, qui respire l’air du temps, en témoigne.

Ne boudons pas notre plaisir. Dans les neuf morceaux comme autant de millésimes, neufs comme les habits du même nom, on jubile à découvrir de nouveaux musiciens qu’Olivier Benoit et la structure ONJ ont souhaité inviter pour cette soirée [2]. Ainsi des élèves du CNSM comme Jules Jassef à la trompette qui brille sur le « Out of » de Didier Levallet ou le tromboniste Luca Spiller sur la belle « Valse 2 » de Franck Tortillier, les deux chefs rejoignant l’orchestre à la contrebasse et au vibraphone. Ça paraîtra peut-être anecdotique et un peu guindé à certains, mais sans aigreur on y verra comme une main tendue à la génération d’après, ce qu’a toujours été l’ONJ et qui fait de ces orchestres autant de petites madeleines, à l’instar de « Shipbuilding » tiré de l’hommage à Wyatt voulu par Daniel Yvinec et que Yael Naïm interprète toujours à merveille.

Pour cette fête, les titres sélectionnés dépassent rarement les sept minutes, versions ramassées et assimilées par un orchestre qui nous rappelle qu’il sait tout faire, y compris se fondre dans le « In Tempo » de Laurent Cugny aux tournures plus classiques. On notera cependant que c’est sur le magnifique « À plus tard » de Denis Badault, en présence d’Élise Caron que l’ONJ s’attarde. Est-ce étonnant tant les deux formations se ressemblent ? Quoi qu’il en soit, cet anniversaire transforme la mélodie en une sorte d’hymne symbolique : À plus tard l’ONJ ! À la cuvée suivante, puisse-t-elle être dirigée par une musicienne. À dans 20 ans pour commémorer le demi-siècle, si tant est que le pouvoir politique ne décide pas un jour de faire des économies mal placées sur la culture et se rappelle que les orchestres qui font Pouêt ont plus de valeur que les fusils qui font Pan. C’est le combat ordinaire de nos musiques, dont l’ONJ est l’un des plus beaux vaisseaux amiraux.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 juin 2018
P.-S. :

Olivier Benoit (dir, g), Jean Dousteyssier (cl, bcl), Alexandra Grimal (ts, ss), Hugues Mayot (as, ss), Fidel Fourneyron (tb), Fabrice Martinez (tp, flh), Théo Ceccaldi (vln), Sophie Agnel (p), Paul Brousseau (cla), Sylvain Daniel (b), Eric Echampard (dms), Pascal Mabit (as), Simon Corneille (bs), Thimothée Quost (tp), Jules Jassef (tp), Lucas Spiller (tb), Raphaël Olivier Beuf (dms), Maxime Morel (cbtb, tu), Kristoffer Alberts (ts), Magnus Murphy Joelson (tb) +Guests

[1Voir aussi l’article dans la revue papier : Passage en revue.

[2Parmi eux, deux musiciens de l’Académie Norvégienne de Musique d’Oslo, ville topographiée par Olivier Benoit au moment de la représentation…