Chronique

Oriol Roca Trio

Mar

Oriol Roca (dms), Giovanni Di Domenico (p), Manolo Cabras (b)

Label / Distribution : El Negocito Records

Le batteur barcelonais Oriol Roca a accompagné de nombreuses figures du jazz en Espagne, mais aussi dans toute l’Europe, s’illustrant notamment aux côtés de Paolo Angeli ou encore Jan Bang. Le voici pour la première fois leader, à la tête d’un trio qui joue ses propres compositions. Accompagné du pianiste Giovanni Di Domenico (Nate Wooley, Arve Henriksen, Jim O’Rourke) et du contrebassiste Manolo Cabras (Charles Gayle, Erik Vermeulen, Enrico Rava) - de vieux compagnons de route avec lesquels il compte plus de 15 ans de collaborations - il nous livre donc Mar, un album qui est bien davantage qu’une énième production dans un paysage musical de plus en plus dense.

Les compositions d’Oriol Roca sont claires, elles ont cette façon particulière de prendre leur temps, de se dévoiler tranquillement. Les notes du piano sont détachées et les enchaînements mélodiques font parfois écho aux Gnossiennes d’Erik Satie : c’est particulièrement vrai pour « Straight line », le titre qui introduit l’album. Les notes fusent et se répandent, comme propulsées, telles des lignes tracées dans l’air avec un pinceau. Vient ensuite « What’s Next ? », au swing subtil et délicat qui accélère le pas mais ne retire rien de son élégance à cette musique. Toute formulée avec souplesse et agilité, elle fait penser à un acrobate qui danserait sur un fil. Il faut parfois tendre l’oreille et suivre le trio dans des postures plus effacées, un brin mélancoliques, comme avec « Cançó de bressol », pour découvrir la beauté que dissimule une certaine retenue.

Oriol Roca est de ces batteurs qui nous démontrent, par cette grande sensibilité qui le caractérise à la fois comme musicien et comme compositeur, que l’art de la percussion consiste à souligner l’impulsion d’une musique, non de taper sur quoi que ce soit. La maîtrise dont fait preuve le trio lui procure une liberté immense, celle de s’amuser ensemble, pour livrer une musique qui avance à ses rythmes, s’installe doucement pour mieux se faire entendre. Pourtant, l’œuvre est brève, l’ensemble ne dépasse pas les 42 minutes. Mar est un album gorgé de plaisirs éphémères, une musique qui prend le temps d’être concise, pour aller à l’essentiel et ne dire les choses qu’une fois.