Chronique

Orioxy

The Other Strangers

Yael Miller (voc), Manu Hagmann (b), Julie Campiche (hp), Roland Merlinc (dms)

Label / Distribution : Abeille Musique

Trois ans après s’être fait remarquer avec Tales, très joli album aux couleurs rafraîchissantes, le quartet suisse Orioxy propose dans The Other Strangers d’approfondir l’exploration d’un monde onirique, éphémère et fragile, qui évolue au gré des mouvements de la chanteuse Yaël Miller et de la harpiste Julie Campiche. Les deux jeunes femmes sont l’âme d’un ensemble que la base rythmique (le batteur Roland Merlinc et le contrebassiste Manu Hagmann) retient sur terre comme on s’agrippe aux fils de soie d’un cerf-volant mutin.

On avait laissé les musiciens d’Orioxy dans l’enfance ; la bonne nouvelle est qu’ils y sont restés. Le rythme languide de « Parenthèse » sonde des rêves inquiétants. Des lumières vacillantes évoquent des ballades en forêt à la lisière de la nuit, entre les cordes pincées de la harpe et la voix chaude et profonde de Miller. Mais là où Tales sondait un univers contrasté, sombre, The Other Strangers est plus pastel, et l’acidulé de l’approche plutôt pop est assumée. Le jeu coloriste de Merlinc prend ainsi une importance prépondérante. Dès « Wish Lucky Star », il définit une atmosphère plus lumineuse, mais pas plus rassurante. Les morceaux sont courts, suaves sans être douceâtres ; on y trouve même une pointe d’amertume - celle qui fait le charme inimitable de « World Database of Happiness », par exemple : le rire inquiétant de Yael Miller ricoche entre les cordes aigrelettes de la harpe et la rondeur rassurante de la contrebasse. Il vous transporte petit à petit dans un groove piquant mené par le batteur, qui lance « Tfila/Ben Azra » comme un enchaînement logique.

Chanté en hébreu, comme d’autres ici, « World Database » amorce une nouvelle dimension dans la musique d’Orioxy. Loin de toute tentation traditionnelle ou folklorique, l’usage de la langue maternelle de Miller ajoute une pointe d’étrangeté et de profondeur intimement attachante, qui trouve son paroxysme dans « The Other Stangers », en toute fin d’album. On se plaît à écouter ce disque qui ravive, l’air de ne pas y toucher, des angoisses enfantines. De celles, bénignes et candides, qu’on aimerait continuer à éprouver.