Scènes

Oser l’Osons Jazz Club


Le pari d’un club de jazz durable en Haute-Provence s’avère gagnant : l’Osons Jazz Club, lieu émergent pour les notes bleues s’épanouit depuis un an à Lurs (04), sous la houlette du maître de céans, Philippe Balin, et de sa sémillante compagne, Agnès, via un réseau de membres actifs jamais à court de propositions musicales et citoyennes. Petit compte-rendu d’une Assemblée Générale tenue le 14 mai 2017.

Jean Giono n’eût certainement pas dédaigné le lieu : le romancier manosquin aurait retrouvé les paysages du « Hussard sur le Toit » dans ce vallon provençal, où se situe l’ancien moulin que Philippe et Agnès ont rénové. Dans une aile de la résidence des propriétaires, des chambres accueillent les musiciens désireux de rester plusieurs jours pour peaufiner leurs créations, et la salle de musique de Monsieur – par ailleurs émérite pianiste et batteur plus qu’amateur. Au centre de ce bâtiment privé, une cuisine et un salon salle-à-manger dont les murs de terre crue donnent aux artistes la sensation d’être des convives. La commensalité n’est pas ici un vain mot, bien que la logistique repose essentiellement sur les épaules d’Agnès (par ailleurs assistante sociale de profession). Mais foin de cette logorrhée d’agent immobilier ! Car le joyau de ce quartier en pleine nature n’est autre qu’un ancien hangar rénové pour la plus grande joie des fous de jazz. Une acoustique parfaite, aux dernières normes en vigueur, pour une jauge tout à fait raisonnable de soixante-dix places (quatre-vingt dix-neuf avec la mezzanine si je ne m’abuse), avec un espace scénique nanti de tout le nécessaire jazzistique : un piano régulièrement accordé, des amplificateurs dernier cri pour la guitare et la basse, une batterie impeccable… sans compter un système de son parfait (Philippe est d’ailleurs un sonorisateur d’exception, entre autres talents.

Pascal Nocera, membre actif pilier des jam-sessions

« On voulait un groupe local pour l’inauguration en septembre 2016 pour ne pas apparaître comme les Parisiens qui débarquent », déclare malicieusement le taulier. A quelques heures du 11e concert à l’Osons Jazz Club, il s’étonne qu’il n’y ait « qu’une quarantaine de réservations alors que tous les concerts précédents affichaient complet »… le téléphone n’arrêtera pas de sonner pour des réservations durant les deux heures de réunion !

Forcément, un projet jazz/arts plastiques avec les régionaux Perrine Mansuy (piano), Rémi Charmasson (guitare), Bernard Santacruz (basse, contrebasse) et Jean-Pierre Bertrand (batterie), ça fait jaser dans les alentours (sous l’estampille officielle de la Compagnie l’Arbre de Mai, il s’agit de rendre hommage au plasticien Jean-Pierre Giacobazzi, peintre de l’émancipation des peuples, via des projections vidéo de Wendy Mottard). Et puis, avec le principe de l’alternance entre « grands concerts » avec des pros (André Villéger, Christophe Marguet notamment sont des habitués du lieu) et deux jams mensuelles ouvertes par un groupe amateur local, l’Osons Jazz Club développe des réseaux de fidèles à même de garantir son implantation. Sans compter avec le développement d’activités pédagogiques entre master classes (Andy Sheppard en fut) et coopération étroite avec les classes de jazz du conservatoire des Alpes de Haute-Provence (dirigées par Christophe Leloil et Alain Soler).

Le développement artistique du lieu passe aussi par le soutien à la carrière d’un jeune pianiste, Tristan Mélia, dont l’Osons Jazz Club appuie la candidature pour le dispositif Jazz Migrations. Et les demandes de musiciens affluent ! La question de leur traitement se pose avec acuité : « Je n’ai pas de facebook et je ne compte pas en avoir » déclare Philippe Balin. Aussi la perspective d’une aide à l’écoute des propositions musicales est-elle esquissée, sans pour autant être institutionnalisée sous la forme de quelque commission car, on le sait, une commission c’est la meilleure solution pour « enterrer les problèmes ». Et s’il est question de « modèle économique » pour consolider le rayonnement du lieu, en prenant notamment en compte les risques que pourraient prendre et le club et les artistes – la question d’éventuelles premières parties, si rares dans les clubs régionaux est même abordée…-, il n’en reste pas moins que c’est bien « parce que tout est une histoire d’amour », conclut Philippe !

par Laurent Dussutour // Publié le 3 septembre 2017
P.-S. :

Il se dit que le sieur Alex Dutilh adore les clubs de jazz en milieu rural et pourrait donner un écho particulier au premier anniversaire de l’Osons Jazz Club. A suivre donc…