Chronique

Ozone Acoustyle Quartet

Organic Food

Christophe Monniot (s), Emil Spányi (p), Mátyás Szandai (b), Joe Quitzke (dms)

Label / Distribution : BMC Records

Depuis bientôt vingt ans (1998), Ozone réunit le saxophoniste Christophe Monniot et le pianiste et claviériste Emil Spanyi. Complétée par le batteur Joe Quitzke, cette formation est devenue, au fil du temps, une entité ouverte qui accueille, selon les nécessités du moment, différents invités. Miklós Lukács joue du cymbalum sur This is c’est la vie (2010, BMC) et Frédéric Monino, Minino Garay et Julien André génèrent du groove sur Heavy Market - tribute to Weather Report (paru en 2015 sur le label Le Triton).

Retour à un jazz plus acoustique, cette fois, pour une captation enregistrée à l’Opus Jazz Club à Budapest en compagnie de Mátyás Szandai à la contrebasse. Beaucoup plus classiques que ce que Monniot produit par ailleurs (on songe au débordant Freestyles sorti dernièrement), ces neufs pistes abordent le jazz sous une forme équilibrée parfaitement maîtrisée. Sans être compassées pour autant, elles invitent chacun à se tenir dans un cadre clairement délimité avec suffisamment de naturel néanmoins pour faire vivre l’ensemble et participer à la pleine circulation du son. De là, d’ailleurs, une sensation d’entendre un organisme vivant qui n’est pas le seul fait du live.

Malléable dans ses agencements et élastique dans sa sonorité, Organic Food se construit sur une section rythmique rectiligne roulant sur les ronronnements fertiles de la basse et le swing d’une batterie qui s’autorise parfois quelques dérapages. Les bourdonnements graves des saxophones de Monniot se hissent ensuite vers des sommets étincelants ponctués - Hongrie oblige - de clins d’œil à des modes orientaux (“Grace”). Après des ascensions aussi tortueuses que minutieusement découpées, comme c’est le cas sur “Du vent dans les voiles, part 2”, ces progressions s’achèvent (sur “Du vent dans les voiles, part 4” notamment) par les épais coups de boutoir de Spanyi qui balise les emportements de son camarade de couleurs aussi dynamiques qu’enfiévrées.

Pourtant, même si les passages les plus bouillonnants sont à placer en exergue et rappellent, au passage, l’imprévisibilité foisonnante dont est capable Monniot, c’est dans les titres plus apaisés que se dévoile une autre facette de ce groupe. La simplicité volontaire des compositions, par leur mélodie claire, ouvre des espaces où la sensibilité peut s’exprimer à plein régime en préservant toutefois la complexité des émotions (“Yo-Yo”). Que ce soit la fréquentation du travail de Wayne Shorter, évoqué plus haut, ou l’accession à une maturité qui se passe désormais du superflu, Ozone entre alors dans un discours de l’ellipse où l’intime se pare d’évanescence et peut ainsi, comme c’est le cas dans le “Greensleeves” final, laisser émerger une poésie aussi pudique qu’immédiate.