Chronique

Pee Wee Russell

His Best Recordings, 1927-1944

Pee Wee Russell (cl) plus, selon les morceaux, Red Nichols (tp), Adrian Rollini (saxophone basse), Henry « Red » Allen (tp), Bud Freeman (ts), Eddie Condon (bjo), Bobby Hackett ©, Teddy Wilson (p), etc.

Label / Distribution : Best of Jazz

Le clarinettiste Pee Wee Russell (1906-69) fut un des grands originaux du jazz d’avant-guerre. Dans les années 20, il travaille avec Bix Beiderbecke et Frankie Trumbauer avant de s’établir à New York, où il commence une relation durable avec Red Nichols et l’incontournable Eddie Condon. Il restera toute sa vie à New York, principalement dans des petits orchestres de jazz traditionnel, style Chicago, ou de swing (mais en 1963 il enregistre à Newport avec un autre original, Thelonious Monk !).

Laissant à Benny Goodman ou à Artie Shaw le culte de la virtuosité, Russell cultive un style souple et vigoureux. Ses solos vont de l’hilarité à l’angoisse, de l’élan à la paresse, avec souvent quelque chose d’énigmatique et émouvant. Il a cette spontanéité passionnante et mystérieuse propre à l’improvisateur inspiré.

Ce CD de l’admirable série « Best of Jazz » nous montre Russell avec Nichols, Condon, Bud Freeman, Bobby Hackett, Teddy Wilson, et sur des morceaux enregistrés sous son nom. En même temps qu’une bonne introduction au clarinettiste, nous avons aussi là quelques moments forts ainsi que quelques curiosités du jazz de cette époque.

Sur le premier morceau, « Ida, Sweet As Apple Cider », de Red Nichols and His Five Pennies, on peut entendre le saxophone basse du méconnu Adrian Rollini, qui ressemble ici fortement au baryton de Harry Carney (allez savoir qui a influencé qui). Sous le nom de Eddie Condon, nous avons « The Eel », célèbre cheval de bataille du saxophoniste ténor chicagoan Bud Freeman. Au sein des Mound City Blue Blowers de Red McKenzie, nous avons Coleman Hawkins, bien avant « Body and Soul », aux côtés de Russell et de Glenn Miller (1929). Malheureusement, le leader, s’appliquant sur un étrange instrument à la mode à ce moment-là, une peigne avec du papier, nous afflige de ses propres choruses. Tout comme, pour le plaisir d’entendre Russell avec le grand Henry « Red » Allen, nous devons écouter le chant étonnamment mauvais d’un certain Billy Banks, que Dieu ait son âme.

Pour entendre Pee Wee hors l’ensemble traditionnel, on a un trio avec Zutty Singleton et James P. Johnson, et un autre avec le même batteur et Joe Sullivan à la place de Johnson au piano. Et, j’allais l’oublier, nous tenons la preuve, sur « Margie », « Who’s Sorry Now » et « I Would Do Anything For You », que Russell était à ses heures un saxophoniste ténor tout à fait respectable.

Pour tous ceux qui veulent s’essayer au jazz pré-bebop avec une de ses figures mémorables, voilà un excellent point de départ.