Chronique

Peter Brötzmann & Black Bombain

Peter Brötzmann (ts), Ricardo Miranda (g), Tojo Rodrigues (b), Paulo Gonçalves (dms)

Label / Distribution : Shhpuma / Clean Feed

Voilà plus de cinquante ans que Peter Brötzmann crie, explose, renâcle, que ses anches de saxophone n’ont rien à envier à un riff extatique de guitare électrique. Voilà cinq décennies qu’avec ses collègues, de Machine Gun à Last Exit, en passant par ses pugilats avec Paal Nilssen-Love ou Ginger Baker, l’Allemand n’a que faire des convenances : ça doit cogner et filer droit. Ça peut s’appeler rock, jazz, punk ou tout autre oripeau technique à la mode, l’important c’est l’onde de choc. La musique y est entièrement dédiée, surtout quand elle sait, entre deux répliques, induire ce qu’il faut de finesse pour repartir de plus belle et défricher de nouveaux sentiers hostiles de la puissance sonore. A ce titre, la rencontre avec les Lusitaniens Black Bombain était naturelle : dans le monde des amateurs d’étiquettes, on dit que cette formation est tenante du Stone Rock ; sans doute. Nous dirons qu’elle s’inscrit dans un trait d’union entre un son très marqué par le rock sanguin des années 70 et l’improvisation chère aux Power Trio en vogue.

Black Bombain n’est pas à son premier échange avec des saxophonistes épris de liberté. Avec Live at Casazul, un album sorti en 2015, ils avaient déjà eu l’occasion de ferrailler avec leur compatriote Rodrigo Amado, dans un style plus anguleux. Ici, ce disque paru sur le label Shhpuma et distribué par Clean Feed (le même a récemment édité le solo de Luis Lopes), le trio se ligue pour résister au déluge. Toutes les parties sont enregistrées lors d’un concert au Portugal. Elles montrent différents angles d’attaque que l’orchestre utilise pour essayer de pénétrer dans cet œil du cyclone que constitue le jeu de Brötzmann. Le saxophoniste ouvre les débats dans la « Part I » avant d’être rejoint par la batterie de Paulo Gonçalves, sculpteur attentif de toute cette matière brute.

Dans le trio, les deux armes contondantes sont la basse rugueuse et grasseyante de Tojo Rodrigues et la guitare énervée (et parfois énervante) de Ricardo Miranda. Le premier est l’artificier de la « Part IV » qui se disloque face à un mur de son pour laisser la place à un groove aux relents psychédéliques, néanmoins cabossé et fébrile. Le second répond coup pour coup aux tirades de Brötzmann, avec un goût pour les chorus acrobatiques. Ils marquent l’attachement à certains courants du rock mais peuvent légitimement lasser, nonobstant la belle énergie. Les amateurs des musiques frictionnelles et explosives apprécieront ce face-à-face qui confirme que les hybridations sont toujours riches d’enseignement et de découvertes.