Chronique

Peter Orins

Empty Orchestra

Peter Orins (dms)

Label / Distribution : Circum Disc

Destinée à soutenir les initiatives solistes et les expérimentations sonores, la collection Helix permet, au sein du label Circum Disc de présenter des musiques radicales, parfois arides, souvent passionnantes. Ce fut le cas du remarquable Serendipity d’Olivier Benoit ; c’est au tour de Peter Orins de présenter son propre album solo, sur lequel se côtoient presque naturellement batterie et électronique. On sait que le batteur, omniprésent dans la plupart des facettes du collectif Muzzix, aime la parole collective, comme dans le Circum Grand Orchestra où deux batteries distillent une rythmique obstinée. Empty Orchestra ne cherche d’ailleurs pas la solitude.

Sur cet album râblé, une pulsation rectiligne tente d’apprivoiser un jaillissement électronique, comme la fuite régulière d’une énergie incontrôlable. Cette puissance qui déstabilise la rythmique met le batteur sur la piste d’un double distordu avec qui il devise, se heurte parfois, mais entretient toujours un stimulant rapport de séduction. Tous deux jouent avec l’écho et les décalages, jusqu’à perdre l’oreille dans un dédale pulsatile. Ainsi multipliées, les baguettes d’Orins se piquent de magie et s’engouffrent dans une trame ronronnante où la frappe la plus synthétique deviendrait presque charnelle. Au fil des coupures et des syncopes, on découvre une démarche recherchée, où tout est suggéré. Cet Empty Orchestra suggère, au cœur de « Bad Arguments », le tumulte dans les roulements de caisse claire en forme de cloche coupée, ou anime l’électronique inquiétante et enfiévrée d’« Unauthorized Path », qui n’est pas sans rappeler l’album de TOC où Orins affrontait en trio une électricité irrespirable.

En quatre morceaux longs, aux atmosphères versatiles mais cohérentes, le batteur invente des orchestres irréels à partir d’une base plus que frugale. Que ce soit par les tintements persistants et surmultipliés des cymbales de « Frozen Range », ou le scratch bredouillé qui clôt « Ramdom Repack », Peter Orins propose des modèles d’orchestres, des croquis de musique à colorier au gré de notre imagination. Il y aura donc deux approches d’Empty Orchestra : l’une, austère et monochrome, privilégiera les bourdonnements hostiles et les frappes crues, l’autre, plus chaleureuse, y verra un brillant précipité où chaque couleur peut virer en un instant, au gré de la chimie électronique de la batterie. Quel que soit le chemin pris, l’expérience est réjouissante.