Chronique

Phinc

Old Woes New Wail

Jacques Pirotton (g), Steve Houben (s, p), Sam Gerstmans (b), Stéphane Pougin (dm), Philippe Thuriot (acc)

Voilà un disque de plaisirs. Jacques Pirotton et Steve Houben, deux vieux briscards de la scène belge, se sont entourés de plus jeunes musiciens pour partager l’amour du jazz au sens large du terme.

En effet, cet album aborde le jazz de différentes manières. Et souvent, c’est réussi. Les compositions, de Pirroton, Houben et même Chopin sont agencées les unes après les autres de manière intelligente et efficace. Car la palette des styles est assez étendue, mais pas moins cohérente.

Le premier morceau par exemple, « News from a New Continent » possède un groove, simple et efficace. À la limite du funk dans sa première partie pour virer vers une tendance plus rock / fusion. Cela permet d’entendre d’abord un Pirotton énergique et parfois musclé faire place progressivement à la mélancolie de l’excellent accordéoniste Philippe Thuriot

Enchaînement idéal pour le très sobre et retenu « Death’s Dateless Night ». Ici, c’est Steve Houben qui, au soprano, se met en évidence avec un jeu fluide et recueilli. L’osmose entre la guitare, le soprano et l’accordéon est parfaite. On sent la cohésion et la maîtrise autant dans la composition que dans son interprétation.

Puis, comme pour exorciser ce trop-plein d’émotion, « Maybe Not » explose façon free. Chacun y va de son impro. Les instruments crient et se déchirent. Un délire salutaire qui permet de « nettoyer » la place et de laisser se développer « Old Woes New Wail », très dépouillé et minimaliste. En solo, Pirotton égrène alors les notes sur ses propres loops…

Phinc (pour « Pirotton Houben Incorporated »), propose ensuite une relecture d’un Nocturne de Chopin. Jouant à l’unisson, l’accordéon et le sax sont soutenus par les percus quelque peu africaines de Stéphane Pougin. Arrangement sublime d’une belle profondeur. On retrouve Houben, mais au piano cette fois, en duo avec Pirotton à la guitare sèche pour une ballade/chanson en duo. Moment de légèreté avant le lent et progressif « First Tear ».

Et comme s’ils n’avaient pas envie de clore l’album, les musiciens déposent délicatement les notes sur une boucle sans fin, qui rappelle un peu les ragas indiens, histoire de poursuivre le rêve.

Bref, un disque parfaitement maîtrisé qui joue sur tous nos sens et nos émotions.