Chronique

Pierre de Bethmann

Ilium / Complexe

Pierre de Bethmann (Rhodes), David El-Malek (ts), Michael Felberbaum (g), Clovis Nicolas (b), Vincent Artaud (b), Franck Agulhon (dms).

Label / Distribution : Aléa

Pierre de Bethmann vient de commencer un salutaire travail d’actualisation de sa discographie sur le label Aléa qui compte désormais 11 références, en attendant la suite d’ores et déjà annoncée. Aléa, une maison où il fait bon vivre, qui a déjà accueilli en son sein les trois albums du Medium Ensemble (Sisyphe, Exo et Todhe Todhe), ainsi que les différents volumes (1, 2, 3 et 4) des Essais en trio. Sans oublier Shifters pour deux claviers et deux batteries. Une belle vitrine ouverte sur la musique du pianiste, soucieux d’opérer un retour sur son Ilium, une formation aux dimensions variables (d’abord 5tet puis 7tet et pour finir 4tet) ayant vu le jour au début des années 2000, après la fin de l’aventure Prysm (aux côtés de Christophe Wallemme et Benjamin Henocq).

Ce sont donc pour commencer l’album éponyme Ilium (2003) et Complexe (2005) qui voient le jour à nouveau. Le groupe se compose, autour du pianiste qui joue exclusivement du Fender Rhodes, de Michael Felberbaum (guitare), David El-Malek (saxophone ténor), Franck Agulhon (batterie) et de Clovis Nicolas (contrebasse) auquel Vincent Artaud succédera à compter du second chapitre. De solides compagnons et, chez chacun d’entre eux, une étonnante capacité à distiller collectivement un groove virtuose dont les accents électriques et volubiles (Rhodes et guitare sont ici en grande forme) n’excluent jamais une approche réflexive, parfois contemplative, et sont élevés par la force intérieure en provenance du saxophone de David El-Malek, dont on ne soulignera jamais assez le lyrisme (voilà un musicien trop rare, récemment en action au sein du Big Band de Christophe Dal Sasso et son hommage à Africa/Brass de John Coltrane). Ilium, c’est l’histoire d’une catalyse, celle par laquelle une énergie se libère, s’épanouit et monte en puissance à travers une série de compositions (toutes signées Pierre de Bethmann) aux constructions complexes, pour ne pas dire savantes, prétextes néanmoins à de fougueuses envolées des solistes qui savent le privilège de leur liberté contrainte. La paire rythmique n’est jamais en reste et l’on peut compter sur le drumming de Franck Agulhon pour enrichir les couleurs de l’ensemble. Bien sûr, le temps a filé depuis cette époque, mais ce jazz réellement enthousiasmant semble avoir résisté à l’épreuve des quinze dernières années et pourrait tout aussi bien être l’enfant d’aujourd’hui. Ce qu’il est après tout, à la faveur de cette réédition bienvenue.

L’année 2022 sera celle de la mise au jour définitive du répertoire de cette formation qui se révélera évolutive, avec la parution de Oui (2007) et Cubique (2009). Ces deux rééditions seront suivies un peu plus tard par celle de Go (2012), probablement couplée avec un nouvel enregistrement du quartet au sein duquel on retrouve le fidèle David El-Malek, désormais épaulé par Simon Tailleu et Antoine Paganotti. L’histoire continue, on sait qu’elle sera belle et c’est tant mieux.