Chronique

Pierre de Bethmann Trio

Essais / Volume 5

Pierre de Bethmann (p), Nelson Veras (g), Sylvain Romano (b).

Label / Distribution : Aléa

On aurait pu croire l’histoire terminée. Après quatre volumes réunis en un coffret augmenté de quelques bonus, les Essais de Pierre de Bethmann en trio semblaient avoir écrit leur point final. Avant que le pianiste ne passe à autre chose, comme par exemple la résurgence de son Ilium, dans une formation renouvelée. Pourtant, tel n’est pas le cas et voici qu’arrive un Volume 5 aux couleurs différentes des précédentes. Exit la batterie de Tony Rabeson, qui cède sa place à la guitare de Nelson Veras aux côtés de la contrebasse du fidèle Sylvain Romano. Si cette évolution n’est peut-être pas le fruit d’une volonté, elle est bien là et ouvre de nouveaux horizons qui peuvent laisser penser que d’autres chapitres sont possibles.

Pour le reste, Pierre de Bethmann maintient le cap en mobilisant les sources musicales qui le nourrissent depuis toujours et qui font fi des barrières stylistiques : des standards de jazz, forcément (« Love For Sale » ou « Nobody Else But Me » par exemple), de la musique classique (ici le second mouvement de la « Symphonie n° 7 opus 92 » de Beethoven) ou de film (« Un singe en hiver », signé Michel Magne). Cette fois, aucun emprunt à la chanson française, mais un salut appuyé à quelques maîtres en jazz (René Urtreger, Lee Konitz, Dave Holland ou John Taylor). Tout est bon pour lui, ce répertoire amoureusement sélectionné est le prétexte à une mise au jour de thèmes qui, imperceptiblement, s’échappent de leurs univers natifs pour parer leurs mélodies de nuances assez intemporelles. Le trio, par sa nouvelle constitution, accède à une plus grande intimité qu’auparavant, l’entrelacement des cordes de la guitare et de la contrebasse offrant un contrepoint d’une grande douceur au jeu du pianiste, qui semble souvent suspendu, moins souvent saisi par la frénésie gourmande qui le caractérise.

Comme ses prédécesseurs, Essais / Volume 5 est une déclaration d’amour faite à toutes les musiques pourvu qu’elles soient habitées d’un chant intérieur. Et c’est d’ailleurs ce même chant que fait valoir Pierre de Bethmann sur son album solo Chaud-Froid [1] enregistré dans le cadre du Paradis Improvisé imaginé par Hélène Dumez du côté de Marseille. Ce bien nommé paradis est à la fois le nom du label et d’une collection d’ores et déjà mise en œuvre, où l’on retrouve (ou retrouvera) Baptiste Trotignon, Leonardo Montana, Laurent Coulondre, Yessaï Karapetian, Jean-Pierre Como, Simon Chivallon, Bojan Z, Yonathan Avishai, Alain Jean-Marie, Thierry Maillard, Carl-Henri Morisset, Grégory Privat et Éric Legnini. Les pianistes ont bien de la chance…

Dans un cas comme dans l’autre, Pierre de Bethmann nous rappelle qu’il est un musicien dont la sensibilité vient faire écho à nos propres émotions et à notre désir d’une musique qui serait universelle.

par Denis Desassis // Publié le 2 avril 2023
P.-S. :

[1Solo n’est peut-être pas le terme qui convient concernant Pierre de Bethmann puisque le pianiste y est accompagné sur trois titres de la chanteuse Cynthia Abraham.