Chronique

Piri Thomas

Every Child is Born A Poet

Label / Distribution : American Clavé

Qui a déjà écouté les disques du label American Clavé parviendra sans peine à se faire une idée de celui-ci. Il faut dire que le directeur n’est autre que le compositeur, producteur et musicien Kip Hanrahan, qui supervise la mise en musique des poèmes de Piri Thomas. On se souvient du collectif « Conjure », autour du poète Ishmael Reed cette fois, dont les textes étaient mis en musique par David Murray et, avant lui, Steve Swallow ; l’œuvre fut donnée au festival Banlieues Bleues en 2003. La majorité des musiciens sont de culture hispanique (Edsel et Jerry Gonzalez). Et pour cause : Piri Thomas est un défendeur des droits des Portoricains aux USA. Côté américain, on trouve Billy Bang (déjà présent pour Conjure) et JT Lewis

Piri Thomas est un « spoken word poet » portoricain à forte tendance chamanique. Son engagement pour la cause des Portoricains contre l’oppresseur américain et l’histoire de sa dépendance à l’héroïne amènent le réalisateur Jonathan Robinson à lui consacrer en 2003 un documentaire Every Child is Born a Poet - The Life and Work of Piri, dont ce CD est la bande originale. Robinson convaincra facilement Hanrahan, jamais insensible aux causes des plus faibles.

Il est possible, voire recommandé, de ne pas écouter ce disque comme une simple B.O. : l’absence d’images n’empêche en rien le voyage, et les textes de Piri Thomas sont d’un abord facile et compréhensible. Le concept reste le même que pour les deux « Conjure » : Hanrahan pose un décor ou une ambiance, et commande aux musiciens une composition ou un chorus. Toutefois, la musique est très différente. Les textes sont investis par la voix du poète, qui martèle ses textes avec une régularité de métronome. On appréciera la scansion sur « Like Tight », qui évoque un rap « hispano-américain ». Par ailleurs, les atmosphères, plus afro-cubaines que jazz, décrivent les drames, les histoires louches et l’ironie toujours inspirée qui font et défont la vie du poète. Quelques sonorités synthétiques ou inspirées de l’électro apportent une touche de modernité, et au détour d’un ensemble à cordes, on a parfois la surprise de découvrir un chant jazzy/gospel/doo wap, avec chorus de sax ténor - interprété par Michael Brecker (« Freedom of Expression »).

Ce bel album instrumental et de voix parlée est une succession de petites perles, quoique situé un peu en marge du jazz…