Chronique

Polymorphie

Cellule

Marine Pellegrini (voc, clavier), Romain Dugelay (as), Clément Edouard (as), Lucas Garnier (clavier), Damien Cluzel (g), Léo Dumont (d)

Label / Distribution : Grolektif Productions

Issu du Grolektif, collectif fondé en 2004 par quelques musiciens lyonnais à qui on doit notamment la création du Périscope, Polymorphie, sextet mené par le saxophoniste Romain Dugelay, vient de sortir Cellule, son second album.

Cellule, car le groupe met en musique des textes - témoignages subjectifs de la vie carcérale - d’Oscar Wilde, Jean Zay, Verlaine, Albertine Sarrazin et Xavier - détenu anonyme - dont le poème est tiré de Paroles de détenus de Jean-Pierre Guéno. Ces écrits, poignants et souvent spectaculaires, sont tous dans le registre de la douleur. L’ennui, la résistance, la solitude, la mise à l’écart, tout dans le corpus renvoie du côté de la souffrance. Ils sont aussi très émouvants, en témoignent par exemple la volonté de pouvoir opposer « cœur de haine et visage de bois » (Albertine Sarrazin) ou encore « cette humanité […] prenant tout entière figure d’adversaire » (Jean Zay).

La musique - deux saxophones alto (Romain Dugelay et Clément Edouard), deux claviers (Marine Pellegrini et Lucas Garnier), une guitare électrique (Damien Cluzel), une batterie (Léo Dumont) et une voix (Marine Pellegrini) - vient en écho à cette souffrance. Les saxophones qui sonnent comme des sirènes dans « OW1 » ou « Jean », les riffs de guitare et la batterie qui martèle à l’infini, par exemple « OW5 », signifient, à leur manière, l’approche de l’univers carcéral que Polymorphie a choisi de mettre en exergue. À la cellule, lieu d’enfermement, répond la cellule musicale. C’est indéniablement bien vu même si on peut regretter que la musique ne mette pas plus mal à l’aise les auditeurs. Peut-être que plus de dissonance, de distorsion, de brutalité, d’ennui aurait signifié avec plus de force encore l’humanité « dont on a été brutalement retranchée », le mur solide, la solitude « contre tous les autres », l’abandon, le corps piétiné, le « désespoir aigu ».

Mais, en même temps, le choix d’une musique aussi insupportable que l’est l’expérience carcérale aurait réduit le projet à sa seule existence conceptuelle. Or, à l’instar des textes choisis, dont les mots et la musicalité subliment la dureté de la prison, l’album poétise l’attente, le désespoir, la haine, le fiel et la « crasse fière ».