Scènes

Pour qui vi-votons nous ?

La Voix est libre - Théâtre des Bouffes du Nord (Paris), 8 mai 2007


« Pour qui vi-votons nous ? » [1]

Le Théâtre des Bouffes du Nord à Paris est en soi une utopie, un vaisseau sans ancrage qui ne veut pour gouvernement que les imaginaires qui s’y embarquent. Dans ce décor fellinien s’il en est pour une ultime « répétition d’orchestre », nous nous étions rassemblés par centaines ce mardi 8 mai 2007 pour célébrer peut-être notre apocalypse. Une célébration furieusement profane, pour beaucoup une sorte d’urgente révélation. Je veux dire que le voile poisseux de molle désespérance qui collait à nos yeux s’est aussitôt dissout dans la grâce des murs délabrés de ce théâtre incomparable. De l’autre côté de notre forteresse improvisée nous avions laissé nos exils solitaires et à l’abri de nos remparts imaginaires, nous nous tenions bien chaud dans les parenthèses incantatoires de nos capitaines Bernard Lubat, Denis Charolles, Christian Paccoud, Médéric Collignon, Beñat Achiary et tous les autres.

Christian Paccoud © H. Collon/Vues sur Scènes

Nos « voix étaient libres », nous avons largué les amarres et nous avons quitté la terre. Un drôle de cabaret a accompagné notre croisière qui s’est amusée aux larmes - de joie et de rage. Je garde un souvenir diffus de ce voyage, un album sonore et visuel qui n’a aujourd’hui de logique que celle de mon rêve qui, si je suis, moi, revenue, suit, lui, sa course propre et sans fin. Il fraternise et chante, crisse, murmure et éructe avec d’autres rêves funambules, en équilibre sur les cordes vocales de Maggie Nicols ou de Loïc Lantoine, poussés par le souffle de Fred Gastard et d’Alexandre Authelain.

Loïc Lantoine © H. Collon/Vues sur Scènes

A l’issue du voyage c’est une horde de bouffons invincibles qui a accosté dans le tumulte parisien, sachant que ses rêves et ses espoirs se seraient jamais assujettis à la TVA sur le désordre. Et ma foi, redresseurs de portées, polisseurs de clés de sol ou de fa, conservateurs de partitions et adorateurs de chefs à peine charismatiques, « on vous emmerde », en chantant comme on peut !

Maggie Niccols © H. Collon/Vues sur Scènes

par Angel Archer // Publié le 4 juin 2007

[1Bernard Lubat, mardi 8 mai 2007 – la Voix est Libre – Théâtre des Bouffes du Nord