Chronique

Pulcinella & Dzsindzsa

Panther’s Play

Ferdinand Doumerc (as, ts, fl), Florian Demonsant (acc), Jean Marc Serpin (cb), Frédéric Cavallin (d), Gábor Weisz (ts, bs, fl), Ernö Hock (cb), Hunor G. Szabó (d)

Label / Distribution : BMC Records

Il était une fois… un programme d’échanges culturels entre musiciens hongrois et français.
Il était une fois… un festival hongrois, Mediawave, à Györ, qui s’est donné pour mission de donner aux artistes hongrois une ouverture sur l’international.
Il était une fois… un quartet toulousain « délocalisé », Pulcinella, qui tape dans l’œil et dans l’oreille du directeur artistique du festival de Györ au festival Jazzèbre en 2007 et se voit immédiatement engagé pour l’édition suivante de Mediawave.
Il était une fois… un trio de jazz hongrois, Dzsindzsa : une paire basse-batterie extraordinairement en place que l’on retrouve au sein de l’Open Collective d’Istvan Grencsó, pionner du free-jazz hongrois, et un puissant saxophoniste-flûtiste qui s’est fait remarquer au sein de l’Adolphe Sax Collective pour un hommage à Ornette Coleman.

L’histoire commence donc, en quelque sorte, par un mariage arrangé. Choisis l’un et l’autre pour leur technique impeccable, leur inventivité, leur talent scénique, les deux groupes sont réunis en 2008 pour une série de répétitions et hop, en scène, ensemble. Ça marche. Tellement bien qu’on remet ça en 2009, cette fois avec le soutien du remarquable label BMC.

Et ça donne ça. Panther’s Play, onze morceaux où se joignent l’irrespect bien connu du quartet midi-pyrénéen et l’énergie dévastatrice du trio magyar. Duo/duel de contrebasses et de batteries, puisqu’elles sont deux de part et d’autre, et tenues par de redoutables clients : Ernö Hock et Jean-Marc Serpin pour les premières, Hunor G. Szabó et Frédéric Cavallin pour les secondes. Bouquet de saxophones : deux ténors, un alto, un baryton et deux flûtes entre les mains et les lèvres de Ferdinand Doumerc et Gabór Weisz. Plus un accordéon, un seul, celui de Florian Demonsant, la touche « populo » de Pulcinella, son côté canaille années 30, casquette inclinée sur l’œil et chaussures bicolores.

Les compositions proviennent des deux groupes, qui convergent dans leur façon de mêler références free jazz, connaissance du répertoire classique et apports de musiques populaires. Les rythmiques capricieuses du folklore magyar sont évidemment propices à leur petit jeu, et l’esprit burlesque des Français agite tout cela dès la deuxième plage, « Gargamel », emblématique : contrepoints étudiés entre les saxophones et l’accordéon, renvois de balles entre les contrebassistes et les batteurs, puis déchaînement faussement désordonné… ça marche, on vous dit.

On trouve aussi une « Fanfare en 7 » très Art Ensemble, un reggae de basse-cour qui part en shuffle chaloupé, des réorchestrations audacieuses de traditionnels (« Boldizsár », « Liesse »), un thème ornettien (« Lichen »), une berceuse tendre (« Székesfehérvar Lullaby »), et d’autres choses encore. Bref, tout ce qu’il faut pour vous mettre l’eau à la bouche, la puce à l’oreille, et… la main au portefeuille, car vous allez vous l’offrir, cet album. Un album de mariage d’un genre un peu spécial. Le genre qu’on réécoute et qu’on va voir sur scène, dès qu’on peut.