Scènes

Pulcinella, l’Empereur à Toulouse

Dix ans, pour un groupe, ça se fête. Pulcinella les célèbre avec de nouvelles compositions et… une nouvelle composition.


Dix ans, pour un groupe, ça se fête. Pulcinella les célèbre avec de nouvelles compositions et… une nouvelle composition.

Nouvelle composition : le batteur des origines, Frédéric Cavallin, est parti pour de nouvelles aventures. On ne remplace pas Fred Cavallin, on lui succède. C’est ce que fait avec brio Pierre Pollet, dont on reparlera plus bas dans cet article.

Nouvelles compositions : celles du tout nouvel album, L’Empereur, dont les deux concerts donnés les 12 et 13 mars derniers à la Salle Bleue de l’Espace Croix-Baragnon, à Toulouse, marquent la sortie.

Bourdonnement d’ampli. Florian Demonsant incline la tête de côté, perplexe. Le bourdonnement continue. Normalement à ce stade, un technicien son se précipite pour vérifier ce qui ne fonctionne pas. Là, rien.

Un bip électronique. Ah ? Un autre : tiens… Deux. Plusieurs. Petits rires dans la salle. Pierre Pollet s’affaire en fond de scène.
D’autres bips comme ceux d’un métronome : un aigu pour le temps fort, d’autres plus graves pour les temps faibles. Mais un métronome arythmique. Hoquetant. Bancal. Pas deux mesures pareilles.

Un scratch. Les bips se poursuivent ; le bourdonnement a cessé. Le contrebassiste tient, près du micro, ce qui semble être un autre métronome. Les métriques se superposent, se combattent, se rejoignent et se séparent, toujours hoquetant.

Un glockenspiel. D’autres scratches.

Jean-Marc Serpin © Michel Laborde

Une flûte entre, staccato aussi. L’accordéon la rejoint, et les timbres des instruments se fondent au point qu’on ne les reconnaîtrait qu’à peine si on ne les voyait jouer. Cela commence à ressembler au vacarme de chants d’oiseaux au crépuscule. Peu à peu cet apparent chaos de notes égrenées s’ordonne, laisse émerger un bout de thème, se délite à nouveau, coagule en une autre mélodie pleine et lyrique qui s’installe, prend son temps, occupe l’espace et à son tour s’effiloche.

Nous ne saurons pas le titre de ce morceau (c’est « Pierre de folie », me dit le CD) : Ferdinand Doumerc annonce déjà le titre suivant, et cela s’enchaîne. La signature Pulcinella est absolument reconnaissable : mélange intime d’influences qui vont du musette aux folklores européens en passant par le tango, Stravinsky, le jazz, Bartok, le rock et j’en passe, le tout teinté d’un goût marqué pour le second degré et les pitreries scéniques qui désamorcent toute velléité pontifiante.

Il faut entendre Ferdinand annoncer le plus sérieusement du monde le prochain morceau, dédié aux Schtroumpfs – ou plutôt à l’ennemi des Schtroumpfs, Gargamel. Il faut entendre ces « fausses notes » volontaires de l’accordéon, un comma trop basses, qui piquent les oreilles juste assez longtemps pour que vous ne puissiez pas vous installer dans la position du critique.

Ferdinand Doumerc, saxophoniste et flûtiste « donc » leader, en tout cas au centre de l’avant-scène. Signe particulier : sourit tout le temps quand il joue. Autre signe particulier : une mise en place à toute épreuve qui se joue des difficultés rythmiques et métriques dont il truffe ses compositions, même dans les passages les plus apparemment débridés.

Florian Demonsant, accordéoniste dégingandé aux mimiques éloquentes. Responsable de la couleur « popu » du son de groupe et d’une palette étendue d’effets spéciaux : faux effet Doppler, bruits de respiration et de vent, jeu sur les timbres…

Jean-Marc Serpin, contrebassiste au double talent d’instrumentiste et de comique pince-sans-rire. Nous a gratifiés ce soir – entre autres gourmandises - d’un renversant solo en forme de raga indien, la contrebasse changée en sitar basse.

Pierre Pollet pour finir, last but not least, également à l’honneur dans un long solo redoutablement maîtrisé laissant place à l’invention, au silence, au déferlement aussi. Le drive d’un batteur de rock allié à la qualité dramaturgique d’un jazzman. Adoubé.

Public pas forcément initié dans la salle, et remarquable par la mixité des générations. Ceux qui n’adhéraient pas au début ont été emportés dès le troisième titre, et ont applaudi à tout rompre. Mission accomplie.

Reste maintenant à écouter L’Empereur. On vous en dira des nouvelles.