Chronique

Punkt3

En Guete

Noah Punkt (b), Tobias Pfister (ts), Ramon Oliveras (dms)

Label / Distribution : Kick The Flame

L’image de la pochette, une bonne grosse poutine bien grasse sur fond alpin est quelque peu trompeuse. Avec le trio Punkt3, mené par le bassiste électrique Noah Punkt, familier des ambiances Noise et rugueuses comme dans ses participations aux orchestres de Chris Pitsiokos, on pouvait s’attendre à du lourd, du roboratif. A l’écoute de « Ein Länder », avec sa mélodie légère et joliment brisée par la batterie du résident zurichois Ramon Oliveras, on conçoit vite que les choses sont plus douces qu’il y paraît. Le saxophone ténor de Tobias Pfister, soyeux et chaleureux, ouate le propos du trio, le teinte même d’une certaine nostalgie. Ce qui n’empêche pas un morceau comme « Dieter Miguel » d’être plus pressant dans sa rythmique, sans pour autant atteindre le point de rupture. Oliveras frappe dru, mais les accélérations sont sporadiques, toujours maintenues par la basse, très souple.

Le trio germanophone (Punkt est allemand) avait précédemment sorti un album en 2016, où les recettes étaient du même ordre : une forme d’agilité et d’imprévisibilité qui permet de partir dans de nombreuses directions à toute allure, comme on peut l’entendre dans la mitraille de « Hack Glutenfrei » où la basse s’efface dans des frappes étouffées pendant que le saxophone feule à l’unisson de la ferraille des cymbales. Une énergie qui sert une musique improvisée très contemporaine inscrite dans une esthétique assez en vogue dans la scène zurichoise.

Les influences de Punkt3 sont multiples. Sur « Fehlzündung », dans l’insistance soudaine de la basse, on sent pointer quelques atomes de metal à peine sensibles et qui ne mettent jamais à mal la grande musicalité de l’écriture de Noah Punkt. Celui-ci témoigne d’une culture rock indéniable (« Selber Schuld ») ; une approche plus quotidienne et moins abstraite que de nombreux musiciens allemands ou suisses de sa génération mais sans doute plus contemplative (« Wechsein »). Elle aura sur l’auditeur les effets bénéfiques d’un cornet de frites recouvert de fromage : une musique qui réchauffe et tient au corps tout en satisfaisant quelques plaisirs coupables.

par Franpi Barriaux // Publié le 30 décembre 2018
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