Chronique

Raffaele Casarano & Locomotive

Legend

Raffaele Casarano (ss, as), Ettore Carucci (p), Marco Maria Bardoscia (b), Alessandro Napolitano (dm), Paolo Fresu (tp), Alessandro Monteduro (perc), Giuseppe Bassi (b), Dario Congedo (dm), Orchestra del Conservatorio Tito Schipa

Label / Distribution : Dodicilune

Il faut être un peu gonflé pour oser enregistrer son premier disque avec un ensemble à cordes ! C’est pourtant ce qu’a fait le jeune saxophoniste italien Raffaele Casarano.

Mais est-ce une bonne idée ?
Oui et non.

Oui, dans le sens où il démontre une envie certaine d’originalité au travers de cette démarche.

Et non car quelques morceaux tendent à devenir mielleux par moments et à perdre ainsi de leur efficacité. Bien que distillée avec sobriété, l’orchestration émousse des thèmes qui se suffiraient pourtant à eux-mêmes. Cependant, on note quelques beaux arrangements qui mettent en lumière une certaine idée de l’accompagnement, dont la volonté d’intégrer les cordes au plus près du quartet, par exemple.

Tant qu’à faire, Casarano a aussi invité la star italienne de la trompette : Paolo Fresu, rencontré, par hasard, sur un quai de gare (d’où le nom du groupe). A tout seigneur, tout honneur, c’est le Sarde lui-même qui ouvre l’album de son phrasé inimitable et reconnaissable entre tous. Il est rejoint ensuite par le saxophoniste ( qui montre également une très belle maîtrise au soprano) pour un dialogue animé et enthousiaste. Hormis les 4 compositions orchestrées ( le groovy « Legend », les gentilles ballades « Coccinella » et « My Head », ainsi que « Rue de la Tulipe », une joyeuse ritournelle en hommage au Sounds, club de jazz bruxellois qui accueillit le quartet et Paolo Fresu avant l’enregistrement du CD ), les morceaux les plus intéressants restent ceux où le quartet joue seul. On apprécie alors les ruptures, les attentes, les tensions, les échappées, les questions et résolutions qui se jouent entre l’altiste et l’excellent pianiste Ettore Carucci. Celui-ci embrase plus d’une fois les thèmes par une approche d’abord sombre et sèche avant de les faire éclater sous ses improvisations lumineuses. Ainsi, sur « You Don’t See Me », il pousse Casarano à « s’arracher » dans un solo nerveux. De même, son introduction déstabilisante et troublante sur « The Fall » entraîne cette douloureuse et sensible ballade vers un échange musical plus brutal. C’est encore le pianiste qui innerve « Larry » par des interventions tranchantes.

Finalement, ce sont ces morceaux-là qui révèlent une belle dynamique de groupe au sein duquel on retrouve un puissant Marco Maria Bardoscia à la contrebasse et un ardent Alessandro Napolitanoaux drums.
C’est ce lyrisme joyeux et cet esprit de concision qui rend ce quartet attachant. Et on se dit alors que cette locomotive-là n’a pas besoin de s’encombrer de trop de wagons.