Tribune

Remember Miles à Vienne

Créateur de Jazz à Vienne, Jean-Paul Boutellier nous raconte les venues de Miles Davis au festival.


Jean-Paul Boutellier est le créateur et le programmateur de Jazz à Vienne. Il a reçu Miles Davis quatre fois en 1984, 1985, 1989 et 1991. Il nous parle du concert de 1984 qui a apporté une belle notoriété à ce festival né trois ans plus tôt.

Jean-Paul Boutellier :

C’était le retour de Miles après quelques années d’absence. Le festival n’était pas tellement équipé en matière d’accueil et, pour nous, il était une sorte de rock-star. Cela nous inquiétait de le recevoir, je l’avais croisé alors qu’il jouait avec Herbie Hancock à la fin des années 60 et, à cette époque, il était inabordable. J’ai été très surpris en fin de compte car je suis tombé sur une personnalité très attachante. Quand il est arrivé, il voulait connaître le programme du festival qu’il a commenté devant moi de façon très positive. Ça m’a frappé. Particulièrement lorsqu’il a vu que Jay Jay Johnson jouait le lendemain. J’ai assisté à leur conversation téléphonique : c’était extraordinaire, ces deux musiciens de hard bop discutaient comme s’ils s’étaient quittés la veille alors que ça faisait plusieurs dizaines d’années qu’ils ne s’étaient pas revus ! Ce qui montrait que Miles était très proche de ce milieu.

Une autre anecdote : à la suite d’une conférence de presse à Lyon à laquelle il y avait beaucoup de monde (notamment la presse parisienne : Le Monde, Libé, …), je récupère Miles pour aller faire les balances à Vienne. Il me dit : “C’est quand même bizarre, ils m’ont parlé de voitures, de femmes, de cinéma, de dessin, de haute-couture et pas un ne m’a parlé de musique ! Je suis pourtant musicien !” Sa réaction était surprenante au vu de ce qu’on racontait sur lui à l’époque. Il était toujours dans un monde de musique et je crois que c’est ce qu’il a toujours voulu défendre.

Il était très sympa et très direct. Ce qui s’est prolongé les années suivantes puisqu’il était assez heureux de venir à Jazz à Vienne. Notamment lorsque le restaurant de la Pyramide a rouvert : il appréciait beaucoup cette table. Il était vraiment à son aise et ne nous a jamais embêtés pour des histoires de loges, de limitations de photos ou autre. Je tiens à le dire : Miles était beaucoup plus attachant que l’image qu’une certaine presse - la presse de jazz de l’époque y compris - donnait de lui. Il était très proche de ses musiciens ou même des organisateurs. Dès l’instant où il sentait qu’on aimait cette musique et qu’on avait tout fait pour que celle-ci soit partagée par le plus grand nombre, c’était, pour lui, le plus important, le reste ne l’intéressait pas ».

Si je dois retenir un disque de lui ce serait Kind Of Blue, musique éternelle, disque intemporel.

par Christophe Charpenel // Publié le 27 septembre 2016
P.-S. :

Les musiciens de Miles Davis en 1984 à Jazz à Vienne pour l’album We Want Miles : Bob Berg (s), John Scofield (g), Robert Irving III (claviers), Darryl Jones (b), Al Foster (dm), Steve Thornton (perc.)